Bagan, le jeudi 27 septembre 2007.
C’est incroyable de se sentir autant en sécurité compte tenu des informations qui circulent. La communauté internationale s’excite autour du sujet birman, les militaires envahissent les centres des grandes villes, et nous évoluons dans un calme incomparable.
Un peu de sport
Nous avons donc quitté Mandalay ce jour pour rejoindre Bagan et ses milliers de stupas, à quelques centaines de kilomètres à l’Ouest et beaucoup d’heures de bus.
A Nyaung U, la vie est rythmée par le passage des carrioles à chevaux. Le climat est plus sec. Le sol est quasi sableux. Le quartier des restaurants, touristique de fait, propose des bungalows à louer. Idéal pour oublier un peu la pression que nous avons ressentie dernièrement. Nous nous sentons en vacances.
Les Birmans sont des exemples de savoir-vivre.
Leur douceur et leur humilité sont une bénédiction. Ces deux traits comportementaux sont symbolisés dans leur manière de prendre tout objet que nous leur tendons. Une main vient prendre l’objet pendant que l’autre soutient le bras porteur. « Cé-zu tin-ba-deh » (merci beaucoup). Si j’avais déjà noté ce geste en vigueur dans la majorité des pays d’Asie du Sud-Est, il est encore plus marqué ici.
Peintures sur sable Peintures sur sable Sculpteurs de père en fils Peintures sur sable
La marchandage symbolise ce savoir-vivre. A l’inverse de son homologue thaïlandais par exemple, la Birmanie ne multiplie pas par dix ses tarifs. Un pouvoir de négociation est possible mais il faut à chaque fois veiller à ne pas vexer le vendeur. Il préférerait alors ne pas réaliser sa vente. Il vaut mieux ici laisser le vendeur s’exprimer, proposer et ne pas acheter si le prix ne convient pas.
Pour ce qui est du racolage, un simple « non merci » ou « je n’en ai pas besoin » (« dobi-dobi ») suffit à stopper la tentative. On peut facilement conclure que le racolage est inexistant. Au moins, en cette saison, tristement peu touristique pour les Birmans, le racolage aurait pu s’expliquer !
Bagan, le vendredi 28 septembre 2007.
Incroyable ! Bagan est le pendant d’Angkor. Des milliers de stupas ont été érigés il y a des centaines d’années. On retrouve d’ailleurs ici aussi quelques gravures similaires à celles que l’on avait pu admirer sur quelques temples khmers. Je me demande comment les temples ont-ils pu traverser les temps, d’une part parce qu’ils sont pour la plupart faits de briques, et que les peintures et sculptures qui les parent auraient dû subir les conséquences des nombreuses pluies, d’autre part, parce que de nombreux temples sont encore utilisés par les populations locales. En témoignent les nombreux bouddha restaurés encore et toujours au cours des siècles. Même si quelques gardes affirment que la masse principale est ancienne et que seules la tête et quelques autres pièces ont été reconstruites, il est évident que la majorité d’entre eux sont récents.
Ceci n’enlève rien au charme. Et c’est à chaque fois un vrai plaisir que de nous rendre avec notre carriole à un temple, dissimulé derrière la végétation. Quelques uns proposent des vues imprenables sur le site et promettent au visiteur d’y consommer quelques instants précieux.
En cette fin de saison des pluies, les nuages sont encore bien présents et bien bas. Les stupas semblent les chatouiller. La dimension n’en est que plus forte. S’il y a un Dieu sur Terre, il semble plus proche de nous ici que partout ailleurs.
En ces temps, le tourisme se fait rare et les nombreux artistes birmans qui ont suivi des cours dans les écoles alentours rencontrent des difficultés à vendre leur production. Laques, peintures sur sable,… Nous en soulagerons quelques uns en acquérant quelques exemplaires, en distrairons d’autres en discutant longuement avec eux.
Enfant Sourire bienveillant Thanaka : protéger et valoriser
Ce soir, nous rentrons dans notre bungalow. Il se pourrait bien qu’il y ait eu d’autres incidents sur Yangon et ailleurs. Nous apprenons qu’un journaliste japonais aurait trouvé la mort et qu’un touriste singapourien serait blessé. Si tel est le cas, combien de moines ont-ils péris ce jour ?
Sur Bagan, les connexions internet ont été coupées. Il ne nous reste plus qu’à espérer que nos familles ne s’inquiètent pas trop à notre égard.
Bagan, le samedi 29 septembre 2007.
Journée shopping pour l’essentiel. Nous tournons dans les rues du village de Nyaung Ou et repérons quelques magasins, sympathisons avec de nombreuses personnes, dont notre transporteur de la veille. Il nous emmènera encore ce soir, et pour la dernière fois, admirer le coucher de soleil.
Sous la bénédiction de Bouddha Sous la bénédiction des dieux Caché Sous l’oeil attentif d’un bonze Sous l’oeil attentif d’un bonze
Nous avons de la peine à quitter les quelques personnes avec qui échangeons. Nous savons pertinemment, compte tenu du contexte politique, que la vie sera encore plus dure pour les Birmans dans les mois à venir.
L’Occident force la Chine à la suivre et à sanctionner fortement le régime du Myanmar.
Le peuple aurait déjà subi une hausse considérable des prix – on nous confiait que les mille kyats que gagnaient les transporteurs dans une journée suffisait il y a quelques années à nourrir leur famille et qu’ils suffisent à peine aujourd’hui à nourrir un homme. Cette hausse va surement s’accentuer dans les semaines à venir et la prochaine absence touristique ne va rien arranger.
Nos amis de quelques temps vont connaître des moments très difficiles.
Nous essayons de les soulager au maximum en leur achetant au mieux leur production. Nous n’avions pas prévu d’acquérir tant d’artisanat sur Bagan et avons finalement rempli nos sacs. Nous avons au passage gagné quelques sourires et c’est bien là l’essentiel… A lucky day, today !
Bateaux de Bagan
Un premier rassemblement a gagné Bagan ce jour, et plus inquiétant, la population s’y est davantage rendue pour voir les deux touristes présents que pour réellement suivre les préceptes des moines l’organisant.
Nous sommes confrontés à un paradoxe !
D’un côté, nous adorons les gens que nous croisons, vivons dans une sérénité sans égale. De l’autre, la censure et les rumeurs qui la suivent nous plongent le soir venu dans des angoisses incommensurables.
Protection divine
Nous décidons de modifier quelques peu notre voyage. Nous ne ferons aucun trek sur Kalaw comme prévu initialement et rejoindrons directement le lac Inle. Quand à moi, j’écourterai mon séjour et accompagnerai ma femme jusqu’à Bangkok où elle prendra son avion pour rentrer. La parano nous gagne et je ne me vois pas rester en Birmanie alors que mon amie l’a quittée… On s’imagine ici que ça pourrait sembler étrange aux autorités… Il faut dire aussi, que je ne m’imagine pas la laisser passer la douane à l’aéroport sans savoir avec certitude si elle a pu la passer et rentrer tranquillement. Bref, nous avons tranché ! Et ça nous réjouit guère.
Aux dernières nouvelles, les touristes ne seraient pas les bienvenus sur Yangon. Le centre est semble-t-il fermé, occupé par les militaires et déconseillé aux touristes. L’aéroport serait le lieu le plus sûr.
Nous profitons tardivement ce soir du calme de la ville. Notre bus nous prendra demain matin à 03h30 pour rouler de jour et respecter au mieux le couvre-feu.
Un véritable paradoxe…