Plongés dans une marée humaine…

Hong Kong, le samedi 1er avril.


Touché par un décalage horaire. Je ne me rappelais pas avoir été frappé à ce point depuis longtemps. Je crois qu’il me faut remonter à mon premier voyage aux Philippines.

Arrivés de bonne heure à l’aéroport international de Hong Kong, nous profitons pleinement d’une première journée. Le décalage opérant, notre esprit bataille. Hong Kong se présente ce jour entre rêves et objectivismes. Nos promenades sont interrompues par quelques transports qui bercent nos âmes fatiguées.

Il est plaisant ce jour d’être accueilli et guidé, par Pierre, un ancien collègue de mon amie, qui s’est expatrié dans l’île. Notre esprit fatigué ne nous aurait sûrement pas permis de prendre l’initiative d’une petite expédition. A seulement une heure de bus du centre de l’île, nous voici partis visiter une petite ville de pêcheur au Nord-Est, dans la péninsule de Saï Kung.
Des retrouvailles, un restaurant au bord de l’eau… On se détend. Toutes les circonstances sont présentes pour que nous nous laissions planer. Nos sens puissent-ils s’éveiller tranquillement !

Hong Kong, un bordel organisé, comme se plaît à l’imager notre hôte, ne semble jamais vouloir s’arrêter. Partout, des grattes-ciels jonchent le sol, ces derniers étant de toute évidence ici préférés à de quelconques quartiers résidentiels. La province s’habille ainsi par endroit de tours isolées..

L’homme ici ne semble pas vouloir vivre seul. Il se regroupe en communauté. Même ce qui pourrait sembler être un village sur une carte est une petite ville de plusieurs milliers d’âmes.

A l’approche du centre, les hommes – ils sont logiquement de plus en plus nombreux -, en perpétuel mouvement, braillent tous azimut. Le terme est un peu fort, c’est vrai ! La langue lorsqu’elle est prononcée individuellement s’apparente en effet plus à une chanson, à l’image de celle qui dans le métro annonce chaque sortie et changement. Une chanson qui se répète inlassablement et qui nous poursuit au coin des rues, dans les bouis-bouis…
Non, ici, personne ne braille. C’est la surpopulation qui agit tout simplement.

Moi qui apprécie particulièrement le contact humain, je sens que cette île me plait déjà.

Nous passerons une bonne partie de cette première journée à tourner dans quelques districts, plongés dans la masse humaine, levant la tête pour observer la couleur du ciel (même grise), jetant notre dévolu sur les nombreux néons et écrans luminescents… Hong-Kong n’a pas fini de nous fasciner.

Et je comprends, malgré tout, ce soir les raisons qui ont poussé Pierre, notre hôte, à nous emmener visiter un village de pêcheur, bien à l’écart du centre bondé.

Même pour quelques instants, le doux mouvement des bateaux qui entrent et sortent d’un petit port côtier offre un repos suffisant pour les habitants qui ont cessé d’être fascinés par la masse humaine mais qui au contraire la construisent.


Hong-Kong, le dimanche 2 avril.


L’heure de vérité a sonné en quelques sortes. Ah le coquin de décalage horaire. Si nous avons fait face hier en nous laissant guider, nous nous réveillons en plein milieu de l’après-midi. On peut remercier le bon voisinage qui s’entraîne à quelques exercices musicaux. De la musique traditionnelle en l’occurrence, ce qui n’est pas pour nous déplaire même si par moment un léger bruit de casserole froisse un peu nos oreilles en éveil. Au moins, la mélodie aura le mérite de nous faire sortir du lit.

Et il était temps de sortir !

Direction Mongkok, le quartier commerçant par excellence où l’électronique se vend comme des petits pains.

Je crois n’avoir jamais vu d’endroit aussi peuplé ! Même l’Inde me semble maintenant un enfant de chœur. Dans le quartier de Mongkok, les rues sont rendues piétonnes par nécessité et parfois tellement bondées qu’il en est même difficile de s’arrêter pour faire une pause. Il est quasiment impossible de prendre une photo sans couper une jambe, un bras,… L’œil est sans cesse sollicité, soit pour se poser sur les néons ou devantures posées sans règle apparente, sinon pour chercher le chemin à emprunter. Le reposer consiste à lever la tête à la verticale pour fuir un peu les surfaces des buildings…
Impressionnant ! La ville s’étire vers le haut et les fourmis s’activent en bas.

L’électronique est reine et peut-être seule source de dépaysement et de repos. Fermer les yeux dans le métro pour écouter la musique, les ouvrir pour regarder je ne sais quelle image sur son écran de téléphone sont les seules distractions offertes.

Un jour, bien que loti dans une pièce de faible superficie, l’hongkongais moyen profitera sûrement d’un large paysage diffusé sur son mur, quelques oiseaux entonneront des chants sur des enceintes soigneusement dissimulées. Un moyen comme un autre de s’offrir un bain de nature. Je divague peut-être mais cette image qui nous est apparue maintes fois dans des films de science fiction me semble refléter un semblant de vérité. L’avenir nous dira si cela doit se produire.

Pour l’instant, je me demande ce qu’il réserve cet avenir et pire, je me demande si les habitants y songent ou pensent à le construire. A Hong-Kong, nous avons l’impression que tout va à 200 à l’heure mais ne savons pas dans quel sens !
Ici les gens ne soufflent pas un seul instant, ils bougent sans cesse, semblent travailler jour et nuit, ne semblent pas se laisser à quelques divertissements – où sont les cinémas de quartier ? Ici, on construit, on bâtit, quitte à devoir détruire ultérieurement pour mieux reconstruire.


Macao, le lundi 3 avril.


A une heure tout au plus de Hong-Kong en utilisant un ferry, la ville de Macao promet quelques vestiges coloniaux.

Et quels vestiges ! Les portugais ont signé à Macao quelques chefs d’œuvre architecturaux. Disséminés dans la ville entre quelques tours de plusieurs dizaines d’étages, ils tracent une route commerciale vers l’ouest.

On imagine sans grande peine les activités lucratives que quelques occidentaux menaient par le passé, un passé bien lointain semble-t-il !

Les bâtiments coloniaux ne confèrent aujourd’hui plus qu’un attrait touristique. Ils ne sont guère plus utilisés mais offrent aux promeneurs de belles surprises lorsque ces derniers prennent le temps de s’aventurer dans les rues de l’île.

L’ensemble laisse derrière nous une drôle d’impression. Il nous semble plus que jamais comprendre ce qui se cache derrière le terme « vieille Europe ». On a parfois le sentiment à Macao de se trouver à Disneyland en observant quelques bâtiments d’un ancien temps, guère plus employés et parfaitement rénovés. Une ville musée en quelques sortes qu’on assimile volontiers à une réplique d’une Europe de l’Ouest, d’une « veille Europe » de fait, trop attachée à son passé, trop fière de son passé.

L’Ouest a désormais finit de susciter quelques convoitises et la ville s’est orientée vers l’Est. Elle y montre un avenir luxuriant avec de nombreux casinos, complexes hôteliers et parc d’activité (de shopping en l’occurrence !). De nombreux édifices sont partout en construction.
Tous les signes d’une expansion économique sont présents.

Un splendide avenir que nous préférons laisser de côté… Dans l’île, nous prenons davantage plaisir à sillonner dans l’ouest, ne serait-ce que pour se poser au pied d’un arbre, à l’abri d’un soleil trop fort, pour errer dans d’étroites ruelles, à l’abri de la masse humaine que nous commencions à avoir coutume de croiser, pour observer bien sûr les architectures et soins apportés aux détails des habitations et des rues, à leurs ornements floraux, pour déguster quelques spécialités portugaises,… Macao ne serait-elle pas une exception culturelle en Chine ? Il est amusant de constater que la population semble s’y être « latinisée », elle semble avoir fait d’un calme indifférent une composante fondamentale de son comportement, ce même calme que nous chérissons et qui nous amuse dans quelques régions du Sud de cette « vieille Europe ».


Hong-Kong, le mardi 4 avril.


Deux jours que nous avons retrouvé Hong-Kong. Le temps de quelques escapades et courtes pérégrinations.

Le temple de Fung Ying Sin, Fanling.

Nous nous trouvons plongés par chance en plein « ching ming ». Les hongkongais fêtent ce jour leurs ancêtres. Le temple est investi de familles qui, munies d’encens, prient pour quelques membres décédés. Il est bon de sentir une unité familiale et de constater que nos quelques voisins de circonstances savent aussi prendre du temps. Les festivités prennent une journée, autour de repas, encens et discussions. Les familles prennent le temps de prier et même si elles sont venues en nombre, elles se respectent mutuellement et évoluent avec tranquillité et respect.

  • Ecritures

Une ombre au tableau. Alors que nous nous sommes isolés dans les hauteurs à l’abri du bruit et sommes promis à un repos mérité, il nous est impossible d’observer l’horizon sans tomber nez à nez avec des tours de plusieurs dizaines d’étages, construites dans la hâte sans aucune esthétique. Le temple lui-même en ses contrebas subit les conséquences de la croissance démographique. De grandes structures métalliques dessinent un futur architectural étrange, capable d’accueillir une population de masse.

Ce temple typique aurait probablement mérité de rester isolé.

Le Peak, point culminant de l’île.

Se rendre au Peak par le Tramway est une des activités touristiques les plus prisées à Hong-Kong. Pour la petite histoire, le Tramway a été construit en fin de XIXème siècle. Il s’est logiquement modernisé pour accueillir des voyageurs et s’inclinant à près de 45° – on prie par moment que les freins ne lachent pas -, il grimpe en quelques dizaines de minutes quelques centaines de passagers au point le plus haut de l’île.

Au Peak , nous ne pouvons qu’admirer l’urbanisme de l’île. La moindre parcelle est remarquablement exploitée. Les buildings repoussent la baie dans ses ultimes limites. Et ceux que le métal rebutent pourront se dire que cette concentration humaine poussée à l’extrême a au moins le mérite de ne pas trop détruire la végétation à l’intérieur des terres.

La promenade des stars, un poste d’observation idéal sur le centre des affaires de l’île.

À la tombée de la nuit, on s’émerveille face aux lumières qui dessinent les building promis sinon à une obscurité certaine. La vie ne s’arrête donc jamais. Elle se calme tout au plus. Depuis la promenade des stars, on se laisse bercer par le spectacle envoûtant de ce million de lumières qui se reflète dans la baie.


Hong-Kong, le mercredi 5 avril.


Le départ est proche.

Qu’il m’est difficile de dresser un bilan ! Je nourris divers sentiments en opposition. Hong-Kong, il me semble que j’aime et que je déteste dans le même temps !

J’aime cette organisation citadine, la prouesse humaine à pouvoir la penser et la mettre en œuvre. Les transports en sont un bel exemple. Ils ne cessent d’évoluer d’années en années pour mieux servir la population et ce, au gré des constructions qui pourraient freiner son développement. J’aime également son peuple volontaire, actif qui ne semble jamais rechigner à s’exécuter dans diverses tâches. J’aime la vie commerçante hyperactive, la diversité des magasins.

D’un autre côté, bien qu’elle me fascinait au premier jour, je vis difficilement de me sentir opprimé par une foule qui nous encercle trop souvent. Au paradis (ou à l’enfer ?) de la consommation, on suffoque parfois de voir partout des semblables, d’entendre les vendeurs nous solliciter sans même pouvoir un instant poser le regard sur quelque chose de statique, sans même pouvoir se reposer deux secondes.

À l’image d’autres contrées, Hong-Kong soumet ses visiteurs à des sentiments en opposition et dans tous les cas, l’île promet assurément un dépaysement. C’est peut-être là sa plus grande richesse !

Hong-Kong restera assurément un bon souvenir – et quand on sait que les souvenirs ont cela de magique qu’ils s’embellissent avec le temps… -. Nul doute que je doive un jour revenir dans l’île, ne serait-ce que pour un court passage, et j’aurais alors un grand plaisir à retrouver tout ce qui fait d’elle une destination authentique, son bordel organisé ou son organisation bordélique – comme on veut -, sa population indifférente, commerçante avant tout et travailleuse,… Mais pour l’heure, après que nous ayons passé quelques cinq jours à la visiter, je ne suis pas mécontent de la quitter et suis enthousiasmé de retrouver un autre coin d’Asie du Sud-Est qui m’a par le passé tant charmé.

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