Etosha, le lundi 23 août.


Ce parc est résolument bien conçu. Il est vrai que certains pourraient le trouver trop adapté à l’humanité : des zones d’habitation électrifiées avec à leur extrémité un point d’eau éclairé la nuit, des routes tracées et goudronnées à l’extérieur pour le traverser,… Mais dans un sens, cette organisation permet une observation optimale d’une part, et évite une anarchie destructrice d’autre part. On ne saurait donc s’en plaindre.

A l’heure du déjeuner, alors que la chaleur commence à étouffer nos organismes, quel spectacle saisissant que celui de ces quelques milliers d’animaux qui se sont réunis sur un point d’eau. Je crois qu’en ce temps de grosse chaleur, ils se sont tous donnés rendez-vous. Ca me rappelle une carte postale, vue sur Swakopmund, que je pensais truquée. Il ne fait nul doute que l’éléphant est roi. Quels mouvements de fuite à son arrivée ! Pourtant pacifique en apparence, d’un pas nonchalant, place lui est faite et le bassin lui appartient. Gare aux inopportuns qui s’aventureraient. Un mouvement de trompe, même s’il a pour unique objet de se rafraîchir un peu, suffit à les écarter. Une fois celui-ci rassasié et parti, chacun reprend place. Zèbres, koudous, gnous, oryx, springboks et autres affluent en tous sens.

Il ne manquerait plus que le « roi de la savane » pour que la place soit vidée et le tableau idylliquement complété.

Et bien, on en viendrait à penser que l’espoir n’est jamais vain. Voir le prénommé roi de la jungle, c’est être au bon endroit, au bon moment. Alors que notre véhicule sillonne inlassablement la même route, cinq lionnes sont repérées. Il faut les voir marcher. Elles semblent se mouvoir sur un tapis de velours. A l’inverse d’autres animaux, rien ne les effraie. Pour atteindre cet abreuvoir naturel, alors qu’elles semblent rassasiées, il leur suffit de suivre une longue ligne droite, de croiser nos véhicules à quelques centimètres, de narguer les antilopes de proximité. Si ces dernières n’intéressent pas ces ventres pleins, elles tracent vite leur route à leur approche et particulièrement quand les jeunes font mine de charger. Si l’éléphant impressionne par sa taille imposante, les lionnes, elles, impressionnent par leur assurance.

Pour nous autres petits hommes, perplexes, il ne nous reste plus qu’à revenir dans nos quartiers fortifiés et s’enrichir de cette nouvelle émotion. Et toujours insatisfaits que nous sommes, il ne nous faudrait plus qu’une scène de chasse, et d’observer ce père de famille et sa crinière pour combler nos espoirs.

Et bien, comme je l’ai déjà dit, l’espoir n’est jamais vain. Ce soir, dans cet étang de proximité, éclairé pour nos yeux si incompétents, j’ai assisté un l’un des « films » les plus extraordinaires qu’il m’est été donné de voir.

Ce sont d’abord onze éléphants et éléphanteaux qui monopolisent les lieux. Autant dire que personne n’oserait se glisser entre ces mastodontes. S’exerçant à quelques épreuves de force, se frottant les défenses, la petite centaine d’hommes observe en silence. L’odeur commence à imprégner les lieux. Un à un, chacun s’en va dans une nonchalance parfaite, petits en tête.

Le silence règne.

Surprise ! Quelques mouvements dans le fond. On croit observer une crinière. Les jumelles sont maintenant indispensables. Les mammifères tant redoutés prennent position, s’installent farouchement, silencieusement et discrètement. Une fois positionnés, on les observe difficilement tant leur robe se confond aux roches.

Le calme règne de nouveau. On se dit que la chasse va commencer. On attend patiemment.

Une lionne se décide à venir rassasier sa soif avant de reprendre position. Tout se passe au ralenti. Au loin, une girafe présente sa silhouette. Oh non ! Pas une girafe ! On comprend maintenant plus que jamais pourquoi elles prennent tant de temps à s’approcher. Un rhinocéros vient s’abreuvoir. Sa chaire ne doit pas être bonne. Il ne prête guère attention à son environnement. Ses pas lourds percent le silence. Une autre girafe montre signe de vie, mais cette fois, en plein cœur de cette troupe de chasseurs. Elle s’avance, observe, s’avance à nouveau… Un lion se dresse… Elle accélère le mouvement, fuit et s’éloigne,… Le lion ne s’y attaque pas. Il n’est pas aisé pour le prédateur de s’y attaquer, un coup de patte mal placé pouvant le tuer. Ouf ! On y a tous cru. La risque-tout contourne l’étang et va rejoindre nombre d’autres silhouettes identiques. On se dit que cette petite troupe est folle à lier tant le nombre de lions et lionnes semble important.Tranquilité

Le silence règne à nouveau. Seul un rhinocéros le perce.

Quelques dizaines de minutes à tuer ce calme. Aucune tête n’est visible à l’horizon. Ce lieu de mort semble pressenti à distance. Et tout s’enchaîne. Une dizaine de prédateurs apparaissent et approchent délicatement l’étang. On s’émerveille devant cette famille royale, devant ces lionceaux en formation serrée, devant cette lionne qui se frotte tel un chat à ce père de famille. L’atmosphère s’emplit maintenant de cette odeur de fauves. La chasse est-elle terminée ? Chacun s’éloigne d’un pas assuré croisant parfois le rhinocéros, ce médiateur en quelques sortes.

Le silence est revenu et le calme me glace de nouveau.

Il faudra quelques deux heures aux girafes pour atteindre ce point d’eau et venir enfin combler leur appétit en eau. Au loin, mais pas si loin, on entend quelques rugissements. Seul un rhinocéros et son petit montrent assurance ce soir.

Quand ce petit springbok isolé vient à son tour boire un coup et repartir sain et sauf, on se dit que la chasse est belle et bien terminée.

Même pour les lions, il semble difficile de se nourrir !


Etosha, le mardi 24 août.


On entame notre dernière, ou plutôt notre avant dernière, ligne droite avant le Botswana. Le temps de joindre l’extrémité Est du parc, le temps de traverser le parc en y observant quelques nouvelles bêtes, telles le Red Hartebeest.

Le camp dans lequel nous nous installons est l’égal du précédent.

Un petit safari dans l’après-midi permet à nouveau d’observer quelques lionnes en position de chasse. Le schéma est toujours le même. Une première est installée en avant-poste, fait preuve d’une immobilité parfaite. Cinq autres sont en arrière et attendent patiemment un signal. Quant au lion, il semble inexistant, absent. A une centaine de mètres de là, un troupeau de zèbre paisse tranquillement. Il aura fallu une bonne demi-heure pour que l’un d’entre eux s’avance dangereusement, remarque son prédateur et fuit à toute vitesse. Les zèbres semblent avoir gagné la partie, ou plus justement ne pas l’avoir perdue. Il est décidément difficile pour ces prédateurs de se nourrir. J’entendais dire qu’il fallait quelques vingt à vingt-cinq kilos de nourriture par tête et par repas. Un zèbre semble donc le minimum, encore faut-il pouvoir l’attraper.

Demain, je me rapprocherai du Botswana et j’avoue souhaiter observer à nouveau ces immensités dans lesquelles on se perd. J’en ai un peu marre de fouiner cette faune. Cela ne semble rien, mais inhabitué comme je le suis, cela me fatigue. Je veux retrouver ces paysages infinis face auxquels on se veut minuscule et bien seul. Un lieu idéal pour réfléchir posément, à l’image de ce désert naturel qui borde Etosha, qui abritait un lac en des temps révolus.


Petites notes

  • Amusante rencontre que celle de cet adolescent qui apprenant que je viens de France me demande d’écrire à Zidane et Anelka pour lui. On retrouve bien là l’Afrique et sa fraternité.
  • Constat bien navrant que celui de ce même adolescent qui n’ose questionner quelques sud-africains, blancs de peau. L’apartheid n’est décidément pas révolu et quelques résidus maintiennent encore son existence.

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