Kasane Forest Reserve, le lundi 30 août.
Une nouvelle journée de route permet d’atteindre l’extrême nord-est de Chobe. De ma vie, je n’ai jamais fréquenté de routes aussi rectilignes. De Maun, on file droit sur près de 300 kilomètres. On tourne légèrement sur la gauche et c’est reparti dans une droite parfaite sur une distance équivalente. C’est presque un exploit de ne pas s’endormir au volant, la chaleur étant de plus au rendez-vous.
Avant l’envol Avant l’envol
Depuis mon arrivée en Namibie, chaque journée s’est vue comblée de multiples activités. A Kasane, aucune n’est prévue pour cette demi-journée restante. Et j’avoue sombrer un peu dans l’ennui. D’autant qu’étant inaccoutumé à l’organisation citadine, je ne prends que peu de plaisir à m’y hasarder. Dans un sens, je manque d’esprit d’ouverture et j’initie que trop peu de contacts avec les locaux, aussi peu nombreux soient-ils.
Un voyage organisé a cela de bon qu’il permet de balayer un nombre de lieux important et d’observer des sites prestigieux dans des temps optimaux mais il offre le désavantage indéniable de ne pas s’intégrer à la société traversée, encore moins de la comprendre ou tout au moins superficiellement. Je me demande alors ce qu’aurait pu être ce voyage si je l’avais réalisé par mes propres moyens, comme je l’avais envisagé à mes débuts. Il est évident qu’il me serait revenu beaucoup plus cher – le peu d’infrastructures aurait contribué à doubler le coût financier de ce dernier -, et que je n’aurais pu balayer une telle superficie – l’organisation de certains safaris, pour lesquels la présence de guides est indispensable, m’aurait coûté un temps précieux.
Ce qui me manque dans le cas présent, c’est cette chaleur humaine, ce partage culturel, si cher à mon cœur. J’en ai même carrément marre de fouiner cette faune, et même si je suis toujours agréablement surpris de tomber sur quelques bestioles, je nourris le souhait de rencontrer quelques habitants de souche enjoués à l’idée de partager quelques us et coutumes. Et finalement, la question que je me pose, c’est de savoir si la vie sociale namibienne et botswanaise est génératrice de dépaysement, si cette dernière a une culture propre et si elle mérite qu’on s’y attarde – là, je fais preuve de prétention, car toute vie sociale mérite bien entendu qu’on s’y attarde et d’orgueil mal placé, car je n’ai pu de toute évidence m’y attarder. Toujours est-il qu’en apparence, si je doute pour la Namibie, si peu peuplée dans son ensemble et si proche de nos contrées occidentales, mon interrogation prend tout son sens dans ce nord botswanais où l’on perçoit davantage de tribalisme. Même si son développement la rapproche de nos pays, il y a en arrière plan un nombre d’individus qui semblent vivre encore avec des coutumes ancestrales. Une vie en parallèle en quelque sorte que seule mon imagination permet d’identifier. Reste à savoir jusqu’à quel point elle reflète une réalité !
Dans l’attente, je m’amuse à regarder ces singes qui, comme dans nombre de pays, s’exercent à voler quelques nourritures sur les tables idéalement positionnées. Mais dans ce camp, fort bien conçu et fort bien situé, je me sens un peu seul, enfoui sous un tourisme blanc de masse. Ici, seule la rivière Chobe berce mon esprit endormi.
Kasane Forest Reserve, le mardi 31 août.
Deuxième jour dans cette bourgade à l’extrême nord du Botswana, à cheval entre la Namibie, le Zimbabwe et la Zambie. Demain, ce sera le Zimbabwe et une dernière destination avant la France. Le camp, son confort sont une bonne occasion de faire le point sur les deux contrées traversées et ce circuit haut en couleur et en émotion (et maintenant presque terminé), de ces vastes étendues désertiques et variées à cette faune si sauvage et authentique.
Danger Immobile
Pour ce dernier jour en territoire botswanais, une petite croisière sur les berges de la rivière Chobe permet d’observer aux plus près quelques hippopotames, crocodiles mais c’est surtout une occasion de se convaincre que ce pays est un lieu de prédilection pour les oiseaux. Dans Moremi, les mammifères avaient retenu toute mon attention mais les oiseaux proliféraient déjà. Dans ce pays, il convient davantage de prendre son temps, une fois l’euphorie des premiers instants passée, et l’objectif baissé, on peut observer d’un œil exercé et constater avec émotion la diversité de ces deux pattes, tant dans leur nature que dans leurs couleurs. Chobe ne fait pas exception à cette règle ! On les voit de toute part !
Je ne sais si j’aurai la possibilité d’observer autant d’animaux dans mon futur, d’autant qu’ils se meuvent ici dans leur état naturel.
Victoria Falls, le jeudi 02 septembre.
Bienvenu au Zimbabwe ! Me voilà plongé dans une ville construite de toute pièce pour accueillir cette masse touristique venue jeter un regard sur ces chutes parmi les plus réputées du monde. Et il y a de quoi ! A une centaine de mètres de hauteur, on observe sur 1,7 kilomètres le plongeon vertigineux de centaines de milliers de litres d’eau. La violence est tellement forte que des gouttelettes remontent cette centaine de mètres pour rafraîchir le visiteur à souhait. L’impression d’ensemble est saisissante. On se sent ici aussi de minuscules êtres impuissants.
Au rythme du fleuve Couché de soleil Chutes Victoria
Mais Victoria Falls, c’est aussi une multitude de sculptures qui inondent les marchés. Dans ce coin du monde aussi, le petit homme est artisan-artiste. Comment ne pas craquer devant certains de ces objets uniques en leur genre. Il convient de veiller à ne pas profiter de la situation économique défavorable et de reconnaître le travail exercé. Car, aussi défavorable la situation soit-elle, le prix de l’acheteur devient rapidement le prix d’achat. L’acheteur en question pourrait même échanger la moindre affaire contre un travail de plusieurs dizaines de jours. Restons donc humains et garantissons à ces artistes quelques salaires honorables avant de rentrer pleinement satisfaits dans nos contrées natales !
Mais cette ville construite de toute pièce, c’est aussi l’illusion pour beaucoup de venir s’enrichir sur le portefeuille ambulant que je représente. Bien loin tout de même du harcèlement auquel d’autres pays m’ont habitué – il convient donc que je modère mes propos -, le rapport humain est ici banni et l’échange n’a que pour unique objectif que de me soutirer quelques dollars. Ne rentrons pas dans ce jeu, ne leur donnons pas raison et supportons les demandes incessantes sur quelques centaines de mètres ! Gardons notre calme, ignorons les tout simplement ! Et puis, rendons-nous à l’évidence, ce pays est extrêmement pauvre et peu développé. Un petit tour en dehors du centre suffit à s’en convaincre. Et là pourtant, ma présence n’est pas soumise à un seul harcèlement. Bien au contraire, les gens s’enquêtent de savoir si tout va bien pour moi, quand ils ne m’ignorent pas tout simplement. Les sourires sont sur tous les visages.
Une image de l’Afrique me touche particulièrement. Celle de cette masse humaine tranquille, très tranquille, qui semble se satisfaire du peu dont elle dispose, qui se meut sur cet amas de sable poussiéreux, sous cette chaleur accablante, qui s’échange sans cesse salutations et sympathie, qui se laisse rythmer par cette musique africaine que ce marché diffuse,…
Moi, qui plongé dans un groupe, avais omis de sortir un temps soit peu des sentiers battus, je m’enivre de cette chaleur humaine. Quel manque d’esprit d’ouverture ai-je pu contracter ! Moi qui avais depuis quelques temps manifesté quelques ennuis, il me suffisait de marcher tout simplement, de m’installer sur le bord d’une route, d’observer. Ce peuple, alors que je suis dans un des lieux les plus touristiques du Zimbabwe déploie une gentillesse remarquable. Il me vient l’envie de poursuivre mon avancée un temps. A défaut de pouvoir la satisfaire, elle me convainc qu’un futur voyage se profile à l’horizon et qu’il me faudra un jour arpenter les terres du Zimbabwe.