Duwacott, le mercredi 26 octobre.


Je commence à reconnaître les petits protégés de l’association, à m’y attacher, à distinguer les différents comportements de chacun. La timidité des uns face à l’assurance des autres. Je peux désormais m’intéresser à leur passé. Le centre est un bienfait, il suffit de juger les différences entre les anciens et les nouveaux arrivés.

Il m’est toutefois difficile de mémoriser chaque prénom et je nourris maintenant quelques scrupules à ne pas répondre correctement au douze « Namaste Eric Uncle » qui me sont adressés me contentant à chaque fois en retour d’un simple Namaste, sans personnalisation aucune.

Quelques feuilles de papier sont distribuées… Chacun pourra y apposer ses noms, prénoms, ages,… quelques commentaires personnels… Chacun se prête au jeu et me voici stupéfait de constater cet esprit de groupe qui ne les quitte pas. Il suffit qu’un enfant se déclare aimer les pommes pour que chacun appose sur sa feuille le même trait de caractère. Et à chacun maintenant de s’inquiéter de ne pas faire de faute. A moi de les rassurer et d’apprendre chacun des prénoms, de les identifier.
Je me sens presque déjà faire partie de cette famille ou, à défaut, je me surprends à le souhaiter.

Une autre situation me laisse sans voix dans la journée, alors que nous nous apprêtons à distribuer les vêtements que nous avons apportés. Ici, la communauté prend le dessus sur l’individu et la satisfaction générale est privilégiée à toute satisfaction personnelle. Aucun des enfants ne se rue sur les pièces que nous déployons sous leurs yeux. Les plus grands aident volontiers les petits à choisir. L’utilité prend place à l’esthétique. Et les vêtements acquis sont soigneusement pliés. Ils seront substitués aux futurs vêtements usés.


Sur la route, le jeudi 27 octobre.


Nous laissons la ville pour la campagne, pour rejoindre un autre centre plongé dans la région de Gorkha. La brume se dissipe peu à peu et la montagne se dévoile.

Quelques six heures de bus sont nécessaires. Une occasion pour moi, qui ne connais pas ce pays, de traverser quelques villages.

Je n’arrive pas à décrire l’émotion ressentie. Cette émotion, je l’ai sentie pourtant mille autres fois. Et pourtant ces villages continuent de me fasciner. Je crois que je pourrais m’y poser pendant des heures, des jours, à l’image de ces quelques habitants ou vendeurs posés sous leurs devantures, à leurs fenêtres. La vie semble ici rythmée par le passeur, porteur de bonnes ou mauvaises nouvelles, faiseur de rires et sourires.

Arrimé à la montagne, perché à quelques neuf cent mètres d’altitude, Gaîkhur nécessite deux bonnes heures de marche. Nos sacs chargés de vêtements et médicaments pèsent sur nos épaules. Mais si la montée est difficile, elle est de suite oubliée à l’arrivée. Je crois n’avoir jamais vu de Namasté comme celui de cet homme qui reconnaît un membre de l’association. Un Namasté emprunt de sincérité et de respect. Mes compagnons n’en sont pas à leur premier voyage et sont honorés de marques de reconnaissance… Ici, ce sont nous qui sommes porteurs de bonnes nouvelles.

Quelques médicaments sont distribués à l’entrée du village.Hauteurs de Gaïkhur

Le centre est situé à l’autre bout du village. On approche. Une tête est visible, un message est transmis et très vite une troupe nous encercle. Même si l’anglais ne suffit pas à entretenir une conversation, nous partageons une première soirée avec ces petits bambinos des campagnes. A l’aube des vacances, quelques uns sont absents mais on pourra profiter de la présence des restants.

Dans ce lieu, le confort est rudimentaire. Il n’y a pas d’eau potable dans la maison. Ces temps ci, l’électricité n’est plus fournie, ce qui n’a finalement pour seule conséquence de ne plus permettre aux villageois de ce réunir autour du poste de télévision que l’association à offert.

De toute façon, ce soir, tout ceci n’a pas beaucoup d’importance. Nous sommes heureux de partager quelques instants avec ce petit groupe.


Gaïkhur, le vendredi 28 octobre.


Ce village semble isolé du monde. Toute nécessité d’eau peut-être comblée par trois-quart d’heure de marche. Quant aux produits manufacturés, ce sont deux heures aller pour les acquérir. Rien à faire donc dans ce village si ce n’est observer.

Le centre est une terre d’accueil et quelques voisins s’y rendent volontiers. La venue d’étrangers ne passe pas inaperçue et tout besoin médicinal ou vestimentaire se solde par une visite inopinée. Il est parfois difficile de retenir ses distances. On ne peut après tout pas satisfaire tout le monde. Et la priorité est aux enfants du centre.

Les quelques vêtements troués sont vite substitués, et les enfants prêts à user ces quelques affaires quasi-neuves. Les vêtements restants sont remis aux femmes qui s’occuperont de les distribuer.

Il est amusant de voir le petit Rajesh habillé avec classe : un jean avec un petit col roulé bleu marine… On pourrait presque imaginer prendre une photo et l’envoyer à quelques marques de textile prestigieuses… Combien de temps les conservera-t-il en si bon état ?

La vie est résolument bien différente ici. Le calme et le sérieux citadin laisse place au jeu et à l’insouciance. Ici, tout fuse de toute part, et les deux femmes semblent passer le plus clair de leur temps aux fourneaux.

On repère vite ici un niveau plus faible en anglais. Ici, quelques exercices nécessitent un soutien plus important. Ici, on sent que quelques uns n’ont pas la tête à ça. Si dans le centre de Duwacott les jeunes débordent d’enthousiasme à l’idée d’apposer quelques phrases sur une feuille blanche, ici, ils le font à notre demande – exception faite pour la petite Rashmi qui ne se lasse pas de s’exercer à quelques équations mathématiques.

Quand la distribution de jouets s’opère, la dizaine de tête s’illumine. Quelques jeux sont lancés et c’est avec un enthousiasme débordant que chacun s’y prête et repart avec un jouet en poche.


Duwacott, le samedi 29 octobre.


Nous retrouvons ce jour les douze petites têtes du centre de Duwacott. Samedi oblige, ils ne vont pas à l’école et tous sont tout excités à l’idée de passer une journée avec les membres de l’association. La moindre incitation à une balade les propulse. Leur calme habituel se dissipe.
C’est à toute vitesse qu’ils s’habillent quand on les y convie. L’invitation est lancée, on va sortir. « Where are we going uncle ? », s’exclament quelques uns le regard brillant. « I don’t know, it’s a surprise », répondons-nous de glace.

J’avais oublié presque ma présence en terre étrangère. Je réalise encore que je suis focalisé sur les enfants. Je me sens un peu faire parti de cette grande famille népalaise.

Chacun des membres prend à sa charge quelques enfants mais il n’est pas facile d’y veiller tant l’excitation est grande. Et dans tous les cas, aucun ne menace de s’écarter. Pas de risque donc !

Si les contacts sont déconseillés entre personnes du sexe opposé, ils sont appréciés des personnes de même sexe. Seule Pascale Didi (grande sœur) se voit ici capable de tenir la main à deux jeunes demoiselles ou plus si c’est dans ses cordes. Nous autres « uncle » se partageons les petits hommes. Je me suis pour ma part demandé finalement qui surveillait l’autre. Tout au long de la journée, le petit « Sunil » n’a eu de cesse que de s’agripper à mon bras.

Aujourd’hui, ce sera le zoo !
Poussé dans la masse, la grande famille se soude et contemple une à une chaque cage disséminée. Les enfants sont ravis. Ils n’ont de cesse que de voir l’animal suivant.

Les caractères des uns et des autres se profilent.
Sunil et son insatiable désir d’observer des animaux dangereux. Ritu et sa peur manifeste à les approcher…

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