Popa Falls, le mercredi 25 août.
Je ne sais si c’est par nostalgie mais les tropiques sont de loin l’atmosphère qui m’enchante le plus. Moi qui pas plus tard qu’hier rêvais de retrouver ces espaces infinis, je me laisse bercer par ce microclimat. A deux pas de la frontière botswanaise, Popa Falls n’est rien d’autre qu’un amoncellement de petites chutes qui se plongent dans la rivière Okavango. En longeant cette dernière, je rejoindrai demain la pointe sud du delta du même nom.
Ici, je baigne dans le bruit de ces chutes, de ces sifflements d’insectes, de ces croassements incessants. Le climat est naturellement plus humide. La végétation se fait plus verdoyante que partout ailleurs. Tous les éléments sont réunis pour accroître le taux d’habitants au mètre carré.
Village
Au détour du chemin Faux ami
Depuis mon arrivée en Namibie, je n’avais pas vu de tels attroupements. Ici, les villages, les hameaux – je ne sais comment les appeler -, parsèment les environs. Il suffit de marcher le long de cette unique route rectiligne pour s’en convaincre. Un ami me disait un jour qu’il aimerait marcher sous le soleil africain, suant jusqu’à fondre intégralement. Je crois désormais le comprendre. Ici, à l’image des animaux d’Etosha, chacun longe cette voie interminable dans une lenteur saisissante. On pourrait se demander où ces piétons se rendent, mais finalement ceci n’a que trop peu d’importance. Il convient davantage d’avancer d’un pas tranquille et sûr, de se poser et d’observer ; cet homme qui, muni d’une hachette, va couper du bois, peut-être pour restaurer sa demeure ; ces enfants qui, un bac en guise de chapeau effectuent des allers-retours à la rivière ; ces autres qui jouent avec deux bouts de bois. Dans tous les cas, tous me saluent me présentant la blancheur éclatante de leurs dents.
Décidément, j’adore ces scènes de vie, aussi courtes soient-elles !
Maun, le jeudi 26 août.
Cette fois, la Namibie est derrière moi, elle laissera des souvenirs impérissables.
Une grosse demi-journée aura été nécessaire pour atteindre Maun, la porte d’entrée du delta de l’Okavango en quelques sortes. Un vol au dessus de celui-ci est réservé pour dans trois jours, car, m’a-t-on dit, il prend toute sa dimension à quelques centaines de mètres au dessus du sol. A terre, il prend l’apparence d’une rivière tranquille, mi-marais mi-lac par endroits où quelques uns s’exercent aux sports nautiques.
Dans la réserve
Maun, c’est le point de départ pour la réserve de Morémi. Cette fois, aucune enceinte électrifiée ne protégera notre groupe. Quelques règles simples mais précieuses sont exposées, règles qu’il nous faudra respecter impérativement.
- Ne sortir sous aucun prétexte de sa tente la nuit. Attendre l’autorisation des guides accompagnant au petit matin. Autant dire qu’il ne faudra pas abuser en thé le soir !
- Aucune nourriture dans la tente jour comme nuit. La tente doit rester fermée en permanence. Les animaux la confondant avec les roches, il faut que celle-ci continue de leur apparaître comme un obstacle et non comme un habitacle pour nos précieux organismes.
- Suivre impérativement les instructions des guides. Cela va de soi !
- En cas de danger et particulièrement en présence de prédateurs ou de bêtes non sollicitées, ne courir sous aucun prétexte et se mouvoir calmement. Ca, c’est une autre affaire !
Bref, après cette petite remise en place, un divertissement est le bienvenu dans le bar du coin. Pour tout dire, c’est même une sacrée cuite que je me suis prise. Bienvenue au Botswana !
Note sur quelques organisations internationales dont les actions, aussi louables soient-elles, exaspèrent les guides. Qu’il s’agisse du parc Kruger en Afrique du Sud ou du Botswana dans son ensemble, les éléphants prolifèrent. Les laisser s’accroître en nombre pourrait transformer ces vastes savanes en déserts dans un futur très proche. Des vagues d’extermination forcées sont à prévoir. Quarante mille têtes au Botswana selon les guides, soit la moitié des têtes à ce jour. L’ouverture de la chasse ne résout aucun problème, dans la mesure où elle ne suffit pas à rétablir l’équilibre. Le pire, c’est que l’extermination doit concerner des familles complètes, des plus petits aux plus grands et ce pour deux raisons : d’une part, parce que les familles se recomposeraient trop vite, d’autre part, parce que ces chasses ciblées pourraient rendre les autres membres de la famille agressifs.
Moremi Game Reserve, le samedi 28 août.
Déjà une nuit qui vient de s’écouler dans cette réserve, avec en tâche de fond, le chant a capela de quelques hippopotames. C’est toujours moins effrayant que des reniflements. Au moins, on ne se sent pas des proies.
Comparée à Etosha, cette réserve apparaît moins proliférer en animaux. En apparence seulement ! Dans les faits, ils abondent de toute part mais ici, attendre ne suffit plus, il faut aller les chercher. Si les impalas sont omniprésents, dénicher les léopards, lions, hippopotames, crocodiles et autres est une toute autre affaire. Et là, la présence d’un guide s’avère indispensable.
Mais quel spectacle que celui d’un léopard niché sur sa branche, qui décide un instant d’en descendre pour s’abreuver, faire ses besoins et s’allonger près d’un étang pour en acquérir sa fraîcheur avant de s’en aller gracieusement vers d’autres lieux plus calmes et peut-être plus propices à la chasse.
Puissance Esprit de famille Calme Repos
Courir Se perdre Surveiller Se rassasier
Curiosité Rapidité
Quel autre moment intéressant que celui de repérer des traces de lions et, après avoir remarqué que ces dernières filent à travers le camp, d’aller les dénicher dans une clairière à l’affût probable d’un gibier et, dans l’attente, en train de prendre un bain de soleil. Quelle image paradoxale que cette immobilité parfaite qu’une lionne présente alors qu’elle porte sur son nez des traces de combat. Je vois chez cette reine une puissance tranquille.
Quel bonheur également de croiser cette petite dizaine d’éléphants se suivre à la queue le leu, arrachant de multiples branches et arbres sur leur passage, s’hydratant de quelques centaines de litres d’eau, semblant répondre à nos salutations, se jetant sous l’œil attentif de nos objectifs.
La chance est avec nous ! Il ne manque plus que le guépard, les hyènes et chacun pourra se satisfaire d’avoir tout vu, enfin, sans prétention, d’avoir vu au moins des espoirs comblés.
Et il aura fallu une après-midi pour que ces guépards soient piégés – le terme est inadéquat et on peut se demander qui piège l’autre. Enfin, après une demi-journée d’attente, jumelles tendues, notre guide parvient enfin à nous rapprocher suffisamment pour une observation optimale. Et voilà un espoir doublement comblé et rassasié.
Mais au-delà de ces instants magiques, cette réserve, c’est surtout l’occasion de traverser le temps. Ici, la nature prend tous ses droits. Elle semble immuable. Espérons que la situation économique favorable du Botswana continue de favoriser cette préservation. Il ne faudrait pas qu’un tourisme de masse vienne détruire ce fragile système.
Maun, le dimanche 29 août.
Cette deuxième nuit sur Moremi fut plus mouvementée que la première. Il faut dire que la proximité des hippopotames et des hyènes – ils étaient à moins de trente mètres – ne pouvait nous rassurer. Enfin, se sentir vivre le matin est une délicieuse sensation.
Arrivé à Maun, je me sens de nouveau en vacances. Seul un petit vol au dessus du delta de l’Okavango permet d’apprécier l’étendue de ce dernier même si mon imagination avait trop travaillé et qu’au final, j’ai manifesté quelques déceptions. Enfin, le jeu de couleurs par endroit est saisissant.
Vue sur le delta Vue sur le delta Village perdu
A Maun, je disais, je me sens en vacances. Et je savoure les deux derniers jours maintenant révolus, tranquillement installé au pied d’un arbre. Cette vie sauvage, la compréhension des rangs sociaux de chaque mammifère, est instructive. En prendre connaissance dans les bouquins ou les reportages télé est une chose, le vivre en est une autre.