A la découverte de cette Inde du Nord, pénétrant dans l’Himashal Pradesh jusqu’à Manali, visitant Agra et le Taj Mahal, se perdant dans la richesse et le prestige du Rajasthan

De tous les pays visités, de tous les propos tenus et entendus, l’Inde est le plus stupéfiant. Il est aussi le plus mystérieux. Il n’est de toute évidence pas certain qu’il existe suffisamment d’adjectifs dans notre langue pour pouvoir le décrire. Là où le choc des cultures vous touche, en Inde, il vous déracine. Vous aimez et vous détestez en même temps. Bien que recelant d’innombrables sites, l’Inde ne se visite pas, ne se voit pas. Elle se vit au quotidien dans l’étroite rue que vous sillonnez, comme le millier de personnes qui vous entoure et qui arrive à laisser place malgré tout à une vache… Cette atmosphère, elle finit vite par vous étouffer lorsque vous la vivez. Pourtant, elle vous manque dès que vous l’avez quittée.

Quand au peuple indien, il fait preuve d’une douceur (ou peut-être d’une indifférence) à toute épreuve. Il se fait à la fois curieux et je m’en foutiste de première. Il se fait agressif et calme en même temps. Il est généreux et laisse le mendiant mourir à ses pieds.

Bref, l’Inde est un pays de paradoxes, que l’on aime vite, que l’on adore…


Delhi, le samedi 14 octobre.


Deux jours complets nous permettent de retrouver l’animation de Delhi. Des dizaines d’heures de transport effectuées, seul un court voyage en train en pleine montagne sera à retenir, ainsi qu’une grosse fatigue. Sinon, le trajet du retour est identique à celui de l’aller et donc dépourvu d’intérêt, exception faite des splendides paysages dont on ne se lasse pas.

Une petite déception la nuit dernière à Shimla, étape obligatoire. Qu’il s’agisse de l’hôtelier ou du restaurateur que nous avions fréquentés lors de notre précédente visite, les prix auxquels nous avions été habitués ont été oubliés, privilégiant ainsi des relations de court terme. C’est à se demander s’ils savent entretenir leur porte-monnaie.


Delhi, le lundi 16 octobre.


Hier, une marche dans Old Delhi nous a fait découvrir une nouvelle facette de la ville à caractère plus musulman. Ici, si ce n’est le comportement de la population qui n’est pas sans nous rappeler la Malaisie – le regard indifférent laisse place au regard insistant et laisse à penser qu’ils ne voient jamais de femmes -, l’Islam se manifeste clairement dans des monuments de grande envergure qu’un empereur Mohgol a fait ériger. Entre autres, la plus grande mosquée du pays.

Mais le vieux Delhi, c’est aussi un réseau de ruelles sans fin, toutes plus animées les unes que les autres (et plus particulièrement dans le milieu de l’après-midi quand la foule est à son plus dense), caractéristiques indéniables des villes indiennes.


Fatehpur Sikri, le mercredi 18 octobre.


Nos nouveaux maux d’estomac nous ont poussé à attendre jusque là pour prendre la route. Le problème n’est pas tant l’alimentation car après tout, restant végétariens et prêtant attention à ne manger que dans les lieux hautement fréquentés, nous ne risquons pas grand chose. Le véritable problème réside dans la vaisselle qui n’est finalement jamais propre. Aussi, les conditions d’hygiène sont déplorables. On ne peut que regretter notre incapacité à prévenir nos maux de ventre réguliers. Jamais nous n’avions eu cette impression d’être en présence microbienne permanente dans les pays que nous avons traversés. L’Inde nécessite incontestablement une grande prudence alimentaire.

Une journée nous mène à Fatehpur Sikri, ville abandonnée. La ville laisse entrevoir la splendeur passée de l’empire Moghol, avec sa multitude de palais de forteresses et ses mosquées de toute beauté.

Changer d’État en Inde, c’est comme changer de pays en Europe. La pureté des montagnes nordiques s’est faite oublier et laisse place à la poussière sablonneuse. La présence de dromadaires certifie le changement de température. La misère, puisqu’elle doit être plus facile en terres chaudes est ici aussi plus présente. Bons nombres d’enfants nous réclament stylos, shampoings, argent, à peu près tout et n’importe quoi, et plus inquiétant, des bouteilles d’eau vides qu’ils n’ont aucun mal à remplir avec une eau impure et reboucher dans les règles de l’art. Le tout fait peur et plus particulièrement quand on observe la faiblesse de bons nombres de touristes qui favorisent ces comportements en assouvissant le moindre de leurs désirs. Ces enfants et les mendiants d’une manière générale nous savent en effet faible et demandent avec insistance. Il est en effet plus aisé de donner pour s’en débarrasser que de répéter « non » une dizaine de fois et finalement, mendier peut rapporter plus que travailler. Il ne faut donc pas craquer et adopter le même comportement que celui des indiens : rejeter avec dédain cette mendicité volontaire.


Agra, le jeudi 19 octobre.


Changement de ville et arrivée à Agra. Nous avons donc quitté la mendicité omniprésente de Fatehpur Sikri pour retrouver le racolage des taxis, Rickshaw et autres. Difficile de se déplacer et d’atteindre sa destination sans hausser le ton. Cela semble être un calvaire de visiter les sites touristiques en Inde. Heureusement, les sites valent le déplacement.


En attendant Jaipur, le vendredi 20 octobre.


La journée débute de très bonne heure. Le Taj Mahal, aujourd’hui symbôle de l’Inde, ouvre gracieusement ses portes pour le lever de soleil et, vendredi oblige, le fait gratuitement. Voici donc une mausolée, d’une imposante corpulence, parfaitement symétrique, aussi belle et mystérieuse de loin comme de près. Tout de marbre, le monument ne semble pas atteint par les sévices du temps. Les reflets du soleil et les jeux d’ombres sont magnifiques et laissent percevoir de nombreuses facettes à chaque instant.

Dans l’après-midi, six heures nous permettent de rallier Jaipur, capitale du Rajasthan.


Jaipur, le samedi 21 octobre.


Capitale par excellence, Jaipur se présente bondée et trop étalée. Pourtant, la vieille ville aux couleurs rose bonbon dégage un charme certain. Les quelques chameaux se déplaçant dans une paradoxale « calme rapidité », contrastent avec la furie des klaxons et l’agitation des véhicules. Outre cette curiosité, si cette vieille ville nous a charmé, c’est probablement par son harmonie architecturale.

Et si Jaipur, d’une apparence générale, ne nous a guère enthousiasmé, c’est sans aucun doute par l’absence d’authenticité. L’atmosphère indienne que nous chérissons est ici absente. La voie de l’occidentalisation en est la principale cause.


Jaipur, le dimanche 22 octobre.


Une chose est sûre, le Rajasthan recèle de monuments. Au loin, chaque colline laisse apparaître murailles et citadelles. Sans regret nous quittons Jaipur pour la journée. A une dizaine de kilomètres, un fort surplombant une forteresse manifeste l’âge d’or des Rajpoutes et témoigne de leur grandeur passée.

Si nous avions retardé notre visite du Taj Mahal, ne souhaitant pas s’acquitter des droits d’entrée de 505 roupies pour les étrangers au lieu de 15 roupies demandées aux indiens, et, privilégiant la gratuité du vendredi, nous ne pouvons faire de même et nous renonçons à la visite d’une forteresse. Ce qui nous écœure, ce n’est pas tant le fait de payer plus cher que les touristes indiens, qui ne semblent pas souffrir d’une quelconque pauvreté, c’est surtout l’aberration du prix exorbitant qui nous est exigé. La stupidité de cette pratique nous afflige. Et finalement, pourquoi les indiens à titre privé, n’adopteraient pas pareille méthode ? Par ailleurs, on s’étonne de notre indulgence à payer plus cher que les prix normalement pratiqués. Nous n’avons jamais accepté cela durant notre voyage en Indonésie. La cause n’est pas certaine ; des indiens détenant plus de tact, notre comportement adouci ou tout simplement l’absence d’envie de se battre. Désormais, nous gardons le sourire.


Fatherpur, le lundi 23 octobre.


Seulement trois heures nous permette de rallier la région du Shekkawati. Il est vrai que nous avions pris l’habitude de perdre une journée à chaque déplacement et c’est un véritable bonheur que de pouvoir profiter du jour présent, à la découverte de la ville de Fatherpur.

Le désert se dessine maintenant plus clairement. La végétation arboricole se développe à même le sable et c’est à se demander comment autant de vaches, chèvres, cochons parviennent à subsister.

Le clou de la visite dans la ville consiste en maisons, appelés havelis, appartenant jadis aux riches commerçants, profitant de la situation de la ville sur l’itinéraire caravanier. Dans chaque haveli, des pièces ouvertes donnent sur différentes cours. Qu’il s’agisse de l’intérieur comme de l’extérieur, divers peintures murales, représentations de scènes ou autres, nourrissent nos yeux émerveillés. La ville prend l’apparence d’une galerie d’art en plein air. Dommage que la gentillesse des enfants à nous guider dans la ville, que l’accueil chaleureux des familles à nous faire découvrir leur haveli ne se soldent par un inévitable back-chiche !


Bikaner, le mercredi 25 octobre.


A nouveau, un court trajet – il ne faudrait pas que l’on s’y habitue – nous permet d’atteindre Bikaner, une porte d’entrée sur le désert. A l’image de Jaipur, la ville est très étalée. Aussi, si Jaipur nous avait déçu, (par manque d’atmosphère indienne) Bikaner comble notre joie. Peut-être que ce n’est là que la conséquence du festival de Diwali qui débutera dès demain. Enfin, bref, les rues sont bondées de piétons, les commerçants hurlent à vive voix, le ronronnement de la foule touche nos oreilles, les vélos nous esquivent, les vaches sont figées, quelques mendiants sont au travail, des sâdhus passent, des racoleurs tentent de gagner notre amitié, des « hello » ne cessent de pleuvoir, la musique ne se fait plus entendre, etc. Nous retrouvons cette atmosphère indienne qui nous est chère.

Pourtant, quelques heures à peine et nous nous sentons oppressés, perdus. Il nous faut quitter cette foule !

Cette ambiance indienne a peut-être cela de magique, qu’elle nous manque lorsque l’on ne la ressent pas et qu’on la dédaigne quand on la vit. Quand on pense néanmoins à la Dhussera de Kullu, ce sentiment de dédain ne nous avait pas saisi et finalement l’attention constante qui nous est manifestée en est peut-être la cause. Il est vrai que nous étions peu sollicités dans le Nord du pays. Notre anonymat nous permettait alors d’être spectateur, pour notre plus grande satisfaction.


Bikaner, le jeudi 26 octobre.


Happy Diwali ! Ce festival marque le nouvel an Jaina. Il consiste en lumières (censées montrer la voie à Rama initialement en exil) et en pétards. C’est donc en quelques sorte un 14 juillet.

Si nous sommes enchantés, ce n’est pas tant le fait de l’événement religieux mais le fait de retrouver le caractère hétéroclite propre à chaque regroupement populaire.


Bikaner, le dimanche 29 octobre.


Le désert, nous l’avons enfin conquis. Trois jours durant nous nous y sommes enfoncés. Après les monts enneigés du grand nord, l’Inde nous présente une nouvelle diversité terrestre. Bon d’accord, ce safari ne dévoile guère un désert d’une aridité exemplaire puisque la végétation se fait omniprésente et à tout instant nous rappelle que de l’eau, même si elle coule en petite quantité, circule dans les sous-sols. Mais bon ! La grosse chaleur, le sable et l’étendue du sol comblent nos sens.

Et finalement de ce safari, deux nuits à la belle étoile, la découverte de dunes de sable, histoire d’évoquer un désert du Sahara enchanteur et envoûtant, et surtout la connaissance de chameaux, de leur intelligence, de leur discipline rassasient notre curiosité.

C’est une nouvelle expérience inoubliable que nous aura apportée ce safari mais également un bon mal aux fesses !


Jaisalmer, le mercredi 1er novembre.


Jaisalmer est un autre poste avancé dans le désert et probablement le plus réputé. La beauté de la citadelle surplombant le désert attire de nombreux touristes. A cela nous craignons une masse humaine racoleuse, un comportement indien insistant et quémandeur. Finalement, nous avons trouvé une ville paisible à l’architecture des plus charmantes et au peuple intelligent et soucieux de préserver le tourisme et ses bénéfices conséquents.

Encore une fois, seuls les enfants viennent entâcher notre joie, nous demandant sans cesse, munis d’un naturel hors pair ainsi que d’un sourire, de leur fournir toutes sortes d’objets que nous sommes censés détenir. Rejeter leur demande ne les rend pas plus malheureux et nous obtempérons ce rejet avec le même naturel, le même sourire, la même indifférence qu’ils nous manifestent. C’est peut être ceci d’être indien. Agir avec pureté, ouvertement, sans arrière pensée.


Jodhpur, le vendredi 3 novembre.


Après sept mois de voyage, il nous est toujours aussi difficile d’éviter les racoleurs en tout genre. Trouver un hôtel par nos propres moyens, sans compter sur l’aide de qui que ce soit, requiert parfois la plus grande patience. Mieux vaut réserver pour éviter les fâcheuses commissions !

Comme toutes les cités du Rajasthan, Jodhpur se présente bien différente. Après le rose de Jaipur, les peintures murales de Fatherpur, le grès rouge de Bikaner et l’or de Jaisalmer, Jodhpur arbore un bleu sous toutes ses teintes. D’un point de vue surélevé, la cité se montre magnifique et bien que le rôle originel du bleu soit de repousser les moustiques, nous lui attribuerons plus une fonction décorative.


Jodhpur, le samedi 4 novembre.


Le fort de Jodhpur est sûrement le plus important du Rajasthan. La montagne sur laquelle il est posté s’en trouve doublée. Il offre des points de vue saisissants sur la ville et son omniprésence de bleu.


Ajmer, le dimanche 5 novembre.


Quel plaisir de retrouver l’authenticité d’une ville indienne, que le tourisme n’a pas pollué. Ajmer une étape pour Pushkar. Certes la ville n’offre rien à visiter, aucun site spectaculaire. Mais quel plaisir de retrouver la curiosité des habitants en remplacement du racolage des précédentes cités, la timidité des enfants face à la mendicité. C’est pour nous l’occasion de se remémorer le bon temps passé à traverser les villes du Nord.

Dès demain, la foire aux chameaux de Pushkar débute. Internationalement réputée, les prix des logements augmentent par dix fois leur valeur initiale. Nous nous attendons à un racolage omniprésent, à la présence d’enfants quémandeurs, à la rencontre de touristes que nous avons croisés dans les sites touristiques précédemment visités, dans les restaurants touristiques que nous avons fréquentés faute d’autres lieux de restauration… Finalement le Rajasthan a su exploiter son patrimoine architecturale et attirer les foules de par le monde. Nous nous réjouissons donc d’Ajmer comme point d’exploration.


Ajmer, le mercredi 8 novembre.


Pushkar, dernière étape avant notre retour anticipé pour la France. Nous partageons des sentiments confus où la joie de retrouver ses proches est mêlée à la peur d’affronter un quotidien passé. Les prochains jours seront probablement plus durs à vivre : une angoisse en crescendo.

La ville sainte accueille chaque année la foire aux chameaux. Considéré comme l’une des fêtes les plus attrayantes du pays, nous nous attendions à un événement d’exception. Pourtant, elle ne nous apportera guère plus que le festival de Kullu et nous lui reprocherions même un manque d’authenticité. Le surfait et le « touristiquement beau » a supplanté les commerces traditionnels, enfin presque. Un petit tour dans l’arrière ville contredit cette observation. Mais comme à chaque festival semble-t-il en Inde, l’intérêt n’est pas tant l’événement célébré, mais le spectacle d’un peuple hétéroclite de toute provenance et de toute « inspiration spirituelle ». A nouveau, quel plaisir d’ouvrir les yeux.


Delhi, le vendredi 10 novembre.


Les dernières heures en terre étrangère nous restent à vivre. Moment de faire le point, de rêver encore quelques temps avant d’affronter une nouvelle adaptation à notre société.

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