Sur la route, le dimanche 30 septembre 2007.


Serions-nous en proie à quelques angoisses injustifiées ? Je ne sais personnellement plus où donner de la tête. Nous traversons le pays d’Est en Ouest sans sentir la moindre tension.

Nous apprenons ce jour que les manifestations sur Yangon sont en passe de s’arrêter. Deux cent personnes auraient trouvé la mort depuis le début. Peut-être beaucoup plus dans les faits.

Ce jour est une occasion d’observer d’abord la richesse des terres birmanes dont la moindre parcelle est cultivée, mais ensuite et surtout le triste spectacle d’une déforestation engagée. Au fur et à mesure que nous avançons dans la montagne, les transporteurs de troncs taillés et découpés se font de plus en plus nombreux. En aval, des dizaines voire des centaines d’hectares servent au rangement et conditionnement de millions de tonnes de bois. Je crois que la jungle birmane que décrivent de nombreux écrits n’est plus. J’avais entendu dire que le teck était un bois très commun en Birmanie et que l’engouement de l’occident dans ce bois était à l’origine de déforestations massives. Quand on sait que le teck pousse sur plusieurs générations, le voir exposé n’est ni plus ni moins que la preuve d’une catastrophe écologique.

Si hier nous envisagions sérieusement de quitter le pays, nous pensons ce jour au moins rester une petite semaine encore. Mon amie aura finalisé ses vacances. Je l’accompagnerai jusqu’à Bangkok où son avion de retour l’attend et je prendrai alors la route du Laos et de Luang Prabang.

Alors que nos angoisses se sont apaisées, je regrette personnellement que nous ne nous soyons pas arrêtés à Kalaw. Nous ne ferons pas le trek que nous avions planifiés et ne visiterons aucun des quelques villages isolés que cette marche promet. Le fait d’avoir vu descendre à Kalaw deux français de notre bus accroît ma déception.

Le soir venu, Inle nous ouvre ses portes (3$ de droit d’entrée). Nous louons un bungalow de bambou sur pilotis, positionné idéalement sur les canaux. Aucun vis-à-vis perturbateur ne nous gênera. Tout au plus le son des bateaux à moteur qui attaqueront leur concert de bon heure demain matin, la voix du moine qui raconte nous ne savons quoi dans un micro du monastère d’à côté.


Nyaungshwe, lundi 1er octobre 2007.


Prise de contact avec l’ambassade. Nous sommes surpris par la proximité familière avec laquelle le consul de Yangon nous reçoit au téléphone. Son seul souci : localiser l’ensemble des français sur le territoire et s’assurer que ceux-ci rentrent bien à bon port à l’issue de leurs congés.

Le consul n’est sait pas beaucoup plus que nous sur les possibles manifestations dans le pays. Il nous renseigne sur les quelques grosses villes « à risque », Yangon, Mandalay et Sittwe. Si le calme dans les cités est revenu, leur centre reste déconseillé aux touristes, les militaires les ayant pris d’assaut.
Désormais, plus aucun touriste ne peut rentrer sur le Myanmar. Nous avons une pensée pour le peuple birman qui va connaître de grosses difficultés. L’avion est selon le consul conseillé pour joindre les villes.

Dans ce pays, censuré comme aucun autre, la paranoïa nous gagne. On se demande parfois si on pourra ne serait-ce que repartir avec nos photos !
En tout cas, notre conversation téléphonique avec le consul nous aura rassuré. Les problèmes sont concentrés sur les villes et aucun risque n’est à priori envisageable à la campagne. Nous resterons donc dans la région d’Inle cette semaine. Le consul sait désormais que nous sommes ici et nous prie de le tenir informé de nos déplacements et surtout de le prévenir quand nous aurons quitté le pays.

Nous débutons ce jour par une promenade pédestre. Les marais offrent de superbes paysages, le spectacle de pêcheurs ramant avec une jambe réjouit notre objectif…

Nous marchons toute la journée, les distances s’allongeant au fur et à mesure que nous avançons. La chaleur aura eu raison de nous et c’est la joie dans l’âme que nous profitons d’un camion le soir pour nous ramener au bercail.
On sent que le tourisme a gagné la région depuis for longtemps. En témoignent les prix affichés beaucoup plus élevés. En témoignent les habitants qui détournent fréquemment le regard une fois l’objectif porté sur eux. En témoignent les enfants qui ne disent plus bonjour systématiquement.


Lac Inle, le mercredi 03 octobre 2007.


Magnifique !!!

Sur une très large superficie, le lac se montre peu profond. Des milliers de birmans ont pu y construire de véritables îles flottantes. Ils y ont développé non seulement des habitations mais aussi des champs de culture maritimes. Traverser ces villes offrent un spectacle envoûtant. Le calme des eaux, à peine perturbé par le passage de quelques piroguiers, promet d’observer la ville aussi parfaitement à l’endroit qu’à l’envers, dans son reflet. On a parfois l’impression d’avancer dans les nuages…

De nombreux artisans ont envahi les lieux. Attirés par un flux touristique croissant, ils ont développé quelques activités traditionnelles en permettant aux visiteurs de les observer à l’oeuvre. On regrettera seulement que les tarifs pratiqués soient si élevés, probablement fonction d’un tourisme de groupe massif.
Nous avons eu pour notre part la « chance » de bénéficier d’une baisse du tourisme pour ramener les produits à leur juste valeur, à la valeur de ceux que nous avons pu voir sur Bagan.

Outre les nombreuses traversées qu’on peut exercer, de long en large, Inle réserve sur ses côtes quelques villages et monastères intéressants.
On retendra particulièrement Kyauk Taung, à la pointe sud, et son marché parmi les plus authentiques. Aucun marchand de souvenir n’y a encore gagné d’étal et s’y promener offre quelques échanges intéressants avec les locaux, des pa-o, reconnaissables à leur coiffe. S’y rendre tôt est recommandé. Vers 08h30, la plupart des transactions sont terminées et une grande majorité regagne son village, en char, que deux buffles tirent.

A Indein, le marché laisse peu à peu la place à quelques échoppes touristiques. On y découvre quelques belles pièces parmi les statues de bois ou de métal, les quelques manuscrits ou objets de cérémonie…. Les négociations s’avèrent toutefois difficiles et certains produits sont terriblement chers. On y trouvera aussi quelques t-shirts aux motifs du lac et l’incessante sollicitation des vendeurs est parfois lassante.

En revanche, le seul monastère du Shwe Inn Thein vaut le déplacement. Les stupas qui l’encerclent ont traversés les temps et pour la plupart ne forment plus qu’un avec la végétation luxuriante qui recouvre les lieux. Quelques villageois, des pa-o encore et toujours, gagnent leur habitation en traversant ce champ de stupas. On a ici l’impression que le temps est immuable.

C’est en tout cas à chaque fois un véritable plaisir de sentir cette atmosphère tropicale. D’étroits chemins percent une forêt de bambou et nous pousseraient presque à les emprunter, à s’y perdre. On est en tout cas, dans ces lieux, protégés de la chaleur et du soleil ravageur.

De retour dans la soirée, nous nous laissons émerveiller, alors que le soleil se couche et que les nuages voilent l’eau de gris, par le spectacle des pêcheurs. Ces derniers et le reflet égaient remarquablement tableau uniforme.


Nyaungshwe, le jeudi 4 octobre 2007.


Le voyage birman touche à sa fin. Nous n’avons rien prévu ce jour, sauf à nous reposer, à errer un peu sur le marché. Dans deux jours, nous aurons rejoins Yangon et ne savons si nous pourrons nous y promener.

Ce jour, nous profitons un peu de la sympathie de Honey I et Honey II (ou Ancoconay et Kho Phyo si on considère leur prénom birman) et nous laissons encore tenter par leurs quelques plats shan.

Dans la soirée, le ciel s’abat sur notre tête. Une pluie diluvienne isole notre bungalow. Les orages rendent le ciel complètement blanc. Celui-ci prend fin pour laisser la quincaphonie des insectes reprendre de plus bel, comme pour remercier le seigneur des nats de les avoir épargné.

Que j’aime ce climat humide…


Nyaungshwe, le vendredi 5 octobre 2007.


Moins nous en prévoyons et plus nous en faisons. Nous pensions juste faire une petite promenade matinale et prendre le temps de ranger nos sacs, histoire de remettre un peu d’ordre dans nos affaires, trop éparpillées dans nos sacs respectifs.

Notre souhait de rester au calme, c’était sans compter sur la rencontre d’un professeur autodidacte de français. Il nous aura invité et accompagné pour la visite d’un monastère vieux de deux siècles, le kyaung shwe yaunghwe. De nombreux élèves y reçoivent un enseignement bouddhique. Le peu de fenêtres préserve les élèves d’une chaleur étouffante mais également la structure de bois de la destruction. Ici aussi, on pourrait croire que le temps est immuable. Dans un angle un tableau liste les personnes étrangères qui ont versé quelques donations et nous conduisent à faire de même. A l’extérieur, un stupa, quoique banal, présente en sa circonférence un couloir très intéressant. Son mur extérieur, percé d’une multitude de cavités, abrite des centaines de bouddhas. Soumis en permanence à une bénédiction divine, ce stupa serait-il ici plus important qu’ailleurs ?

Alors que nous entamons notre retour, on a le plus grand mal à lâcher notre ami professeur. Celui-ci rentrera chez lui dans quelques jours.

Il enseigne le français aux hôteliers de la ville pour un salaire dérisoire. La baisse drastique du tourisme aura eu raison de son emploi. Il s’attend à ne plus travailler pendant plusieurs mois, quatre à cinq selon ses propos.
Nous partageons un dernier thé.

Alors que l’après-midi est entamé, nous allons dire au revoir à nos amis du Tea shop, ce sera cette fois effectivement la dernière et nous laissons tenter par un massage. Une famille s’est justement faite le spécialiste en la matière. Nous nous laissons donc étirer, marteler, piétiner pendant près d’une heure pour se sentir in fine décontracté comme rarement.

Nous préparons finalement nos sacs tardivement, bien après le coucher du soleil, à toute allure.

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