Mandalay, le mardi 25 septembre 2007.
Nous avons quittés Yangon pour Mandalay, qui semble aussi étendue. Une marche nous en convint tout du moins. Au bout de quatre heures, nous avons renoncé à user de nos jambes, sommes épuisés par la chaleur. Myo Naing, un conducteur de trichaw, devient très vite notre ami du jour. Il nous transbahutera partout : du marché à quelques espaces touristiques, de quartiers d’artisans à quelques lieux de culture. Il touchera quelques commissions sur ce que nous achèterons. Souhaitons qu’il gagne bien sa vie ce jour.
Tissage de la soie Spectacle de marionnettes birmanes Confection de tapis
Mandalay est centre d’artisanat réputé. Nous avons un véritable coup de cœur pour ses marionnettes. Dans les faits, je les connaissais déjà, les ayant vu exposées sur un stand Thanaka, mais ici, elles prennent une autre dimension. Elles s’animent le soir dans un spectacle dansant parodiant quelques scènes du Ramayana. La troupe de marionnettistes montre une habilité remarquablement dans le maniement de leurs personnages. Cette dextérité leur a permis par le passé de faire quelques show à l’étranger, ce qui est exceptionnel pour des birmans.
Sur Mandalay, nous avons aussi l’occasion de voir la BBC. Entres autres « heading », le Myanmar commence à inquiéter la Communauté Internationale. Nous avons quitté Yangon hier, refusant de participer même passivement aux manifestations et pouvons ce jour les observer au plus près. Ils sont maintenant des milliers de bonzes à défiler. La télévision présente quelques personnages politiques bien connus qui se trouvent une nouvelle vocation avec la Birmanie. Bush veut accroître les sanctions économiques à l’encontre de la Birmanie, qui exerce apprend-on une politique de terreur depuis plus de 20 ans. Sarkozy fait un coup de pub magistral en souhaitant rencontrer l’opposition en exil. Je ne veux pas critiquer ces interventions médiatiques, mais j’avoue avoir un peu peur des conséquences de décisions un peu hâtives que la Communauté Internationale pourrait avoir.
Je ne voudrais pas que la Birmanie soit le nouveau champ de bataille des US. A l’époque, la France avait su dire « non » à l’Irak et privilégier des solutions plus pacifiques. Je ne suis même pas sur qu’elle irait dans cette voie au Myanmar. Bref, je souhaite que des solutions pacifiques soient trouvées.
Nous nous inquiétons un peu des réactions de notre famille face à cette actualité et lui envoyons un mail pour la rassurer ! Tout va bien, nous continuons notre voyage et rentrerons si la situation s’aggrave.
Sourires birmans Sourires birmans Un curry pour le dîner ?
Une légère angoisse nous envahit quand même.
Nous éviterons les défilés pacifistes, n’en prendrons aucune photo et respecterons le couvre feu qui vient d’être imposé. Le journaliste qui a eu l’immense courage de filmer avec son téléphone les défilés sur Yangon sait-il seulement qu’il met en danger toutes les personnes qu’il a filmées.
Dans les environs de Mandalay, le mercredi 26 septembre 2007.
Visite de villes, anciennes cités royales, jadis des capitales, qui entourent Mandalay.
Prières
Chaque domaine a son cachet, Sagaing pour la multitude des stupas qu’elle présente, Inwa pour ses vieilles constructions encore en l’état et sa situation isolée (son Nat Gay !!!).
Et à chaque fois nous sommes accueillis par une ribambelle d’enfants s’exprimant incroyablement bien en français – le nombre de touriste francophone est-il si important ? S’ils sont un peu trop insistants pour nous vendre tous types de produits locaux « c’est moi qui l’ai fait, c’est local, c’est pas cher, c’est parti mon kiki… », ils sont aussi très sympathiques. Nous nous promenons parfois en petit groupe.
Nous clôturons notre journée par la traditionnelle traversée du pont de U Bein, à Amarapura. Il est le pont en teck le plus long du monde et fournit à nous autres photographes en herbe quelques clichés intéressants.
Ce jour nous aura permis de rencontrer un peu la population birmane, de percevoir sa gentillesse, sa courtoisie, de gouter un peu à son accueil chaleureux… On a pu observer de plus près la griffe de Thanaka, cette essence de bois que les birmans portent sur le visage pour se protéger…. Nous nous sommes aussi attachés à notre guide du jour qui a su lire dans nos pensées et nous présenter humblement ses aspirations et ses peurs.
Mais ce soir, nous sommes à nouveau confrontés aux informations qui ne sont toujours pas réjouissantes et qui révèlent une dure réalité…
Nous nous réfugions dans notre chambre une heure et demi avant l’heure autorisée, couvre-feu oblige, et ressentons une légère angoisse nous envahir… Serait-ce les informations véhiculées par les médias, les nombreux militaires qui se sont déployés dans la ville ? Probablement un peu de tout ça en même temps. Le silence et l’apparente tranquillité forcée des birmans y contribue aussi surement.
Alors que nous rentrions d’Amarapura, nous nous sommes tout de même retrouvés entre des moines tentant de rallier un temple et des militaires leur barrant la route et faisant joue. Au mauvais endroit… Mais pas au mauvais moment… La dure réalité birmane. Une police militaire qui n’hésite pas à exercer une peur sur la population. Quelques hôtels diffusent les informations occidentales et il nous est impossible de savoir si les birmans se réjouissent de la prise de conscience internationale… Les quelques uns qui s’expriment un peu trop, nous les prions de baisser le ton et tentons de changer de sujet. Nous avons entendu beaucoup dire que les rues étaient remplies de policiers en civil et ne souhaitons pas faire prendre un risque à notre hôte…
Le pire, c’est que la peur finit aussi par nous gagner. Et pour la première fois, ce journal pourrait s’arrêter avant son terme. Je me surprends à m’autocensurer et à ne pas coucher sur papier ce qui me tient à cœur, cœur n’étant évidemment pas le terme le plus approprié. J’ai en effet parfois plus l’impression de déballer un témoignage journalistique qu’un exposé sentimental.
Il peut parfois être difficile de voyager dans quelques lieux. Comment profiter du présent sachant que la population que nous croisons s’affirme explicitement comme privée de liberté et qu’elle en soufre ? Quand certains birmans ne nous l’affirment pas haut et fort, croyant être protégés par la langue anglaise, non pratiquée par la police militaire, d’autres se murent dans un silence plus effroyable, vidé de toute volonté de dévoiler un quelconque sentiment à l’égard de la situation.
J’avoue que la situation me pose quelques problèmes de conscience. J’ai presque envie d’abréger le voyage. Et il me faut revoir quelques images du jour, revivre quelques échanges pour me dire que la présence touristique est plutôt favorable. Certains diront que ce tourisme contribue à préserver la situation en enrichissant le gouvernement – et ils auraient raison, c’est inévitable -, mais j’ajouterai qu’il est aussi un moyen d’offrir aux birmans un peu de liberté, de leur ouvrir une petite brèche sur l’extérieur, de leur permettre de s’exprimer un peu. Si ce tourisme était si néfaste, je ne pense pas qu’on verrait aujourd’hui tant de birmans apprendre les langues étrangères, avec les moyens du bord qui plus est, aucune infrastructure ne leur permettant de l’apprendre à l’école.
Ce soir les informations occidentales nous annoncent que l’armée est intervenue pour arrêter les manifestations des bonzes sur Yangon. Un moine aurait été tué.
Les interdictions mises en place sur Mandalay nous poussent à la quitter… Nous partirons demain sur Bagan…