Duwacott, le mardi 25 octobre.


Petit plaisir matinal que d’entendre un « Namaste Uncle », puis un deuxième,…

Déjà hier j’avais perçu ce calme qui caractérise ces petits « bambinos ». Je venais de débarquer au Népal, après quelques vingt-quatre heures de transports. Accueilli par des amis sur place qui ont eu la gentillesse de venir me chercher à l’aéroport, et qui m’ont donc évité la tâche de devoir négocier un taxi, je suis arrivé dans le centre d’accueil de Duwacott émerveillé par la douzaine d’enfants qui m’observait alors timidement.

Ce matin, je récupère tranquillement d’un vol fatiguant sans être réveillé par un quelconque bruit.
Un simple « Namaste Uncle », doucement prononcé, sourire aux lèvres me rappelle à mon réveil que je suis arrivé au Népal pour enfin rencontrer les quelques progénitures de l’association !

Et dire qu’ils sont douze à vivre là !

François, Jean-Philippe et Pascale, déjà habitués de longue date, continuent d’être impressionnés par leur sérénité ! Ici les enfants semblent s’éduquer seuls en communauté dans le respect de l’autre… Prithivi et Surya, nos hôtes, ne semblent pas avoir la tâche difficile !
Après un réveil on ne peut plus matinal chacun se suit respectivement pour une première collation, le cirage des chaussures, la toilette, un premier repas, un habillage soigné… Et en route pour l’école !
Les journées sont ainsi rythmées par différentes tâches partagées que chacun prend plaisir à exercer.
Mes amis ne semblent pas se lasser de ces scènes de vie, de suivre assidûment la petite colonie qui se suit et s’agite à quelques occupations.

Dire qu’un enfant peut parfois en Europe mener la vie dure à ses parents ! Là ce sont douze enfants qui évoluent dans un calme exemplaire.

A mon arrivée hier soir, la timidité forçait quelques retenues et je constatais seulement leur sagesse. Ils travaillaient studieusement à leurs tâches écolières, tous réunis dans une même pièce sans qu’un seul en disperse un autre. Mais ce jour, quelques rideaux tombent et les contacts sont déjà plus profonds. Ils ont finis de regarder expectatifs, ils vaquent à leurs occupations déployant parfois un sourire démesuré surmonté d’un regard lumineux.

Merci à ce grand voyageur passionné d’avoir pu impulser de tels projets. Difficile dans ce lieu de se prémunir de toute émotion…


Bhaktapur, le mardi 25 octobre.


La ville de briques rouges pavée de toute part dégage une atmosphère sans comparaison.

Je ressens ici un peu de cette Inde qui m’a tant charmée. Il faut dire que les nombreuses traces rouges qui habillent les divinités sculptées à même les murs ou qui parent les quelques âmes que je croise fournisse une apparente spiritualité proche du sous-continent voisin !

Mais ici, l’abondance humaine s’est dissipée pour mieux observer la merveilleuse citée.

On se plait à sillonner les étroites ruelles et à les sillonner encore. La brume ne semble jamais se dissiper pour mieux filtrer la lumière et fournir à chaque instant de nouvelles teintes aux différentes surfaces murales. Ici et là quelques ouvertures percent les murs pour dévoiler quelques jardins miniatures, histoire de rappeler que la nature peut parfois reprendre ses droits. Des oasis dans l’oasis en quelque sorte, plongées dans la ville, dans son dédale de pavés.

Il n’est pas une place ou une rue dans laquelle on ne pourrait passer son temps à errer, à laisser son regard s’attarder sur les multiples détails. Quand il ne s’agit pas d’un mur orné de sculptures, d’un temple ou d’une pagode à plusieurs toits, c’est une scène de vie qu’il convient d’observer.
En cette période de moisson, un bon nombre d’habitants bat le riz. Chaque parcelle qui laisse passer suffisamment de soleil et donc de chaleur est envahie. On ne se lasse pas d’y regarder ces femmes qui répètent inlassablement les mêmes mouvements, jetant le riz au vent et à la lumière. Les hommes semblent absents. Ils doivent encore être au champ. Seuls les plus âgés occupent les lieux, observent sans mot dire.
Ici et là, quelques autres métiers s’exercent à même la rue : cette femme qui tisse la laine, cette homme qui modèle sa poterie, cet autre qui sculpte…

A Bhaktapur, on se sent plongé dans un passé lointain. On est frappé par un léger sentiment que le temps s’est arrêté voilà quelques centaines d’années.

Ici, les sourires sont sur tous les visages, les namasté ne fusent pas mais sont rendus avec joie.

Ici, un calme règne, une impression que les Dieux dominent ! Il convient d’y laisser son âme s’égarer.


Katmandou, le mercredi 26 octobre.


L’Inde ! Je retrouve de ce bordel ambiant qui m’était si cher. A l’image de Delhi, tous mes sens s’éveillent. L’odeur tout d’abord avec ces encens qui se consument de toute part. L’ouïe avec ses klaxons presque dérangeant. La vue bien entendu avec ses multiples âmes en mouvement, ses couleurs qui bordent les rues, qui habillent les femmes. Bref, il est de ces atmosphères qui m’émerveillent… J’aime et je déteste presque dans le même temps mais ici je me sens vivre.

Paradoxe même que de constater ce bordel en mouvance avec le calme exemplaire que chacun manifeste. Il suffit pour s’en convaincre de se restaurer dans un boui boui, de se prêter à quelques sessions shopping ou même de se poser à même le sol, sur un trottoir. En toute circonstance, une personne peut observer, immobile, le regard posé au milieu de mille autres en mouvement.

Petit plaisir aussi de retrouver ces petits hochements de tête, signe d’approbation. Je les avais presque oubliés…

Swayambhunat !
Une petite exception à cette nostalgie indienne.

Dans ce temple, de nombreux drapeaux volent au vent, de vieux tibétains avancent tranquillement mais sûrement vers des sommets, un moulin à prière dans la main gauche, un collier de perle dans l’autre, récitent leurs prières inlassablement, sonnent les cloches à l’approche des temples…

Une photo est prise. Un regard se lève ! Un sourire se développe.

C’est le monde à l’envers ! On me remercie maintenant d’avoir volé cet instant. Et moi de réfléchir seulement après coup au risque que j’ai pris de rompre la méditation dans laquelle ce vieux tibétain s’était plongé. Pour seul retour, ce sourire ridé porteur de passé, de sagesse et d’expérience. Combien de kilomètres a-t-il parcouru pour venir là ? Quel âge a-t-il donc ? Les questions fusent. Il est des âmes dans lesquelles on aimerait se plonger, des âmes que l’on aimerait suivre, des âmes qui méritent un profond respect.

Une petite pensée pour le peuple tibétain me traverse. J’en viens maintenant à me demander comment il peut se présenter aussi pacifiste.

J’errerai le reste de la journée dans les rues de la capitale, suivant mes compagnons, admiratif face à tant de sérénité et de compassion. Une nouvelle culture s’offre à moi, une culture que je n’arrive à rapprocher à aucune autre et qui me semble bien inaccessible ce jour. Je sens bien au fond de moi que mon esprit est indisposé à la comprendre pleinement, trop infligé et sensible encore face à de trop nombreuses injustices.

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