Une traversée du sud au nord, longeant la côte ouest, visitant Malacca et sa diversité culturelle, Kuala Lumpur et ses milles grattes-ciels, s’enfonçant dans cette jungle d’une richesse florale incomparable de Kula Lipis,…

Pour des raisons différentes, nous vivions une sensation identique à celle que nous avions déjà vécue en quittant le Laos – c’était là une sensation pour le moins rassurante. Si la Malaisie diffère radicalement de par sa population, ses religions, sa situation géographique, son histoire, son développement économique, nous manifestions un sentiment semblable à celui que nous avions connu et regrettions presque déjà de la quitter.
Privilégiant le moindre échange culturel, son attachante population a conquis notre coeur. On l’a sitôt quittée, que l’on se prend à regretter l’intelligence de cette population malaise, fière de ses traditions, de son histoire. De plus, l’environnement hétérogène que cette contrée propose, tant par ses religions que par sa nature, offre au voyageur une expérience inoubliable.
Coup de coeur : l’Etat du Kelantan (nord-est). On dit que le plus bel Islam du monde y est pratiqué. Notre expérience ne peut le contredire.
Malacca, le dimanche 02 juillet.
Retour au pays malais dans la nuit. La ville de Malacca nous ouvre ses portes. C’est un lieu où le nombre de malaisiens (en opposition à malais) est plus important que partout ailleurs dans le pays. Indiens, arabes, portugais, hollandais, chinois (dont la communauté semble la plus imposante) et anglais ont ici croisé leur chemin. Bon nombre de monuments signent leur passage et témoignent d’un passé historique tumultueux.
L’atmosphère que dégage la ville est bien agréable. Il faut dire qu’après Singapour, où tout va trop vite, où beaucoup de monde circulent, nous allons pouvoir ici nous reposer, nous détendre, retrouver le calme des villes malaises que nous avons déjà visitées. Pour émettre une comparaison avec ces dernières, nous affirmerons seulement que l’Islam est ici moins présent que sur la côte est, qu’il ne rythme plus la vie quotidienne.
Malacca, le lundi 03 juillet.
Nous partons aujourd’hui à la visite de plusieurs musées, qui ne manquent pas dans la ville. Journée bien intéressante. Il faut dire que depuis que nous sommes partis pour l’Asie, nous n’avons cessé de cerner diverses influences culturelles qu’elles soient raciales, religieuses ou autre et que ces dernières ont suscité quelques intérêts non négligeables. Malheureusement, nous n’avons pu combler notre soif de connaissance. Nous n’avons quasiment pas vu de musée ni d’institut culturel que ce soit en Thaïlande comme au Laos. Aussi, la Malaisie comble nos désirs, que ce soit par la présence de ses nombreux centres culturels, de ses musées ou par sa population qui prend plaisir à nous conter l’histoire de son pays.
Eglise sur Malacca Temple hindou
Quelques faits historiques : introduction de l’Islam au XVe siècle par le biais d’Aceh en Indonésie (Malacca en est la porte d’entrée). Prise de possession de la ville par les portugais en 1511. Discrimination religieuse vis à vis de l’Islam et domination économique (taxation des marchandises qui transitent par le port) par les colonisateurs. Détrônés en 1641 par les hollandais, plus tolérants religieusement, déjà présents en Indonésie et nouvellement alliés aux Malais de Johore. Développement d’un commerce basique intérieur (route commerciale terrestre). Un siècle et demi plus tard, prise de possession du territoire par les Anglais.
Malacca est au cœur (le centre névralgique) d’une histoire mouvementée. Sa situation géographique fournit une explication à son importance historique. La ville est en effet un carrefour maritime entre l’Inde et la Chine et bénéficie du « vent des moussons ». Les embarcations maritimes utilisaient les vents nord-est pour se rendre dans le sud de novembre à mars et ceux du sud-ouest pour joindre le nord le reste de l’année.
Pour l’heure, nous comprenons la richesse architecturale, culturelle de cette ville. Lieu de commerce obligatoire, Malacca a pleinement tiré partie des apports des différentes nations qui y transitaient.
Malacca, le mardi 04 juillet.
Nous souhaitons poursuivre la découverte de Malacca et de ses musées. C’était sans compter sur la visite de la famille royale. Il n’y a pas déjà assez de jours fériés, aujourd’hui encore, tout est fermé.
Nous végétons donc la majeure partie de la journée dans Chinatown. Nous en profitons pour visiter trois lieux de prière : un temple chinois -le plus vieux de Malaisie, 1646-, un autre, indien – lui aussi très ancien-, une mosquée. C’est d’ailleurs la première fois que nous avons le droit de pénétrer dans une mosquée, n’étant pas musulmans. Nous y apprenons qu’il faut se laver mains et figure avant d’aller prier.
Nos cessions shopping ne nous intéressent pas. Les produits proposés sont essentiellement chinois, sont trop touristiques et ne reflètent en rien la culture malaise. L’implantation chinoise (de par le monde ?) est surprenante. Où que nous soyons, leur mode de vie est identique, ils vivent en communauté.
Malacca, le mercredi 05 juillet.
Le roi semble nous suivre dans nos déplacements. La villa Sentosa, maison traditionnelle du siècle dernier, que nous souhaitions visiter, est fermée aujourd’hui. Nous rebroussons chemin – nous finissons par nous y habituer – et profitons de l’animation présente pour accueillir sa majesté.
Deux constats (indépendants de ce qui précède)
Le premier. Malacca s’est développée autour du port. Aussi, cela fait quatre jours que nous sommes là et n’avons toujours pas vu la mer. Nous ne la verrons d’ailleurs sûrement pas. Un littoral non exploité est plutôt chose surprenante.
Le second. Il concerne une insécurité généralisable à l’Asie. Beaucoup de plaques d’égouts sont manquantes sur les trottoirs. Il faut donc rester vigilant. Quand on pense aux inondations du Laos, alors que les trous ne sont pas visibles, on se dit qu’il doit y avoir quelques noyés tous les ans.
Kuala Lumpur, le jeudi 06 juillet.
Quel bonheur ! On ne se rend pas compte le nombre d’articles (et chacun pèse son poids) que l’on peut emmagasiner en trois mois. Nous allégeons nos sacs de 19 kg et avons l’impression soudaine de pouvoir gambader, de pouvoir avaler les kilomètres.
Arrivés à Kuala Lumpur (K.L.), dans l’après-midi, nous fonçons à la poste centrale en espérant trouver un colis au service des postes restantes. Bien sûr, rien ne nous y attend. Grosse déception donc.
Note : les consommateurs ont dans le pays une tout autre habitude pour appeler un serveur. Là où nous l’appelons verbalement, les malais effectuent un crissement avec la bouche à la manière d’appeler un chien dans notre pays. Autant dire que ces manières nous ont surpris.
Note : avec Singapour, nous nous sommes réhabitués aux cités modernes. Aussi, K.L. ne nous impressionne guère.
Kuala Lumpur, le vendredi 07 juillet.
A l’inverse de Malacca, K.L. n’expose pas de monument historique remarquable, tant par leur architecture, que par leur contenu culturel. Ici, une dizaine de gratte-ciel sont construits tous les ans, réjouissant un gouvernement à la quête d’une expansion économique continuelle. La ville prend l’apparence d’un immense chantier. Il lui reste beaucoup de chemin à parcourir pour égaler Singapour.
Au premier abord, la capitale se présentait animée, accueillante, dynamique,… Aujourd’hui, nous la sentons oppressante, inorganisée. La chaleur humaine, que nous avions constatée ailleurs, semble ici disparue, de même que le charme habituel des quartiers indiens et chinois.
Petite réjouissance de la journée : alors que nous longeons la rivière Klang, nous assistons à la fameuse prière du vendredi. Ce sont des centaines d’hommes (cette prière leur est réservée) qui exécutent les mêmes mouvements aux sons harmonieux (enfin presque) des hauts-parleurs.
Kuala Lumpur, le samedi 08 juillet.
Sans trop y croire, nous reprenons le chemin de la poste. C’est avec grand plaisir que nous réceptionnons notre colis.
A l’image de Singapour, K.L. dispose aussi de son parc d’attractions. Nous passons une bonne partie de la journée à visiter une réserve d’oiseaux, de biches, un jardin d’orchidées.
Mosquée nationale
Visite également de la mosquée nationale. Imposant bâtiment moderne, sans charme, luxueux, vide. Nous y croisons quelques femmes fantômes. Ce ne sont d’ailleurs pas les premières. Il semblerait que l’intégrisme musulman ait gagné la Malaisie. La capitale en est la porte d’entrée. Sans certitude, ces femmes fantômes semblent d’origine étrangère et suivent leur mari professionnellement installés en Malaisie. Cet extrémisme vient entacher une image enthousiaste des femmes joyeuses, accueillantes, chaleureuses que nous avions croisées dans l’est du pays.
Kuala Lipis, le dimanche 09 juillet.
25 ans moins 1 jour !
Départ pour Kuala Lipis, petite ville charmante du centre de la Malaisie. Architecture typique vieillissante. Aujourd’hui, dimanche, tout est fermé (jour de repos dans cette partie du pays). Nous n’avions pas trouvé ville morte depuis bien longtemps.
Nous cherchons ce soir à organiser un trek dans la jungle. Espérons que rien n’entravera cette fois cette volonté.
Kuala Lipis, le lundi 10 juillet.
Enfin ! Un remède miracle contre les sangsues : Baygon Rouge. Ce produit ne se contente pas de les repousser. Il les extermine. Bref, nous entamons la traversée de la jungle, riche de 120 millions d’années d’existence, l’esprit tranquille et pouvons prendre le temps d’en observer sa faune et sa flore. Appu, note guide d’un jour, nous en livre certains secrets : le mouvement de repli du mimosa au contact de nos mains, l’extraction du caoutchouc et le traitement de l’hévéa, celle du chewing-gum, les vertus médicinales de certaines plantes (antiseptiques, produits de beauté,…). Nous pouvons remercier les éléphants qui sont à l’origine des chemins existants et qui percent la densité de la flore. Nous observons d’ailleurs certaines espèces : la beauté des parasites se développant sur divers troncs, les tuant, les substituant, la croissance originale du rotin -munis d’épines en son sommet, il s’accroche à la végétation existante pour continuer son ascension, perdant les épines dont il n’a plu l’utilité-, la présence de certains arbres justifiant du caractère préhistorique de cette forêt. Quand aux animaux, ils sont bien trop timides pour se montrer. Nous voyons, en tout et pour tout, quelques sortes d’araignées (tarentules,..), chauves-souris. Nous entendons au loin quelques gibbons et réalisons notre chance d’en avoir observé en Thaïlande.
Attention charmante du guide qui a pensé au gâteau d’anniversaire. Nous finissons la soirée dans un Karaoké. Atmosphère étrange, indescriptible. Une clientèle essentiellement et étonnement cuitée.
Kuala Lumpur, le mardi 11 juillet.
Retour dans la capitale.
Visite de la mosquée la plus prestigieuse du pays. Nous pénétrons à l’intérieur. Toujours ce même vide, cette même banalité. Les femmes occidentales ne sont pas admises dans leur tenue vestimentaire habituelle (même couverte de bas en haut). Elle doivent revêtir des affaires musulmanes « correctes » (robe et voile).
Penang, le mercredi 12 juillet.
Ce matin, nous grimpons au 41ème étage d’une des tours jumelles (Twin Tower), parmi les plus hautes du monde. Loin d’en être au sommet, puisque la visite s’arrête au pont à 170 mètres au dessus du sol sur les 452 existants, nous dominons la ville et en constatons son état de chantier.
Départ pour Penang dans l’après-midi, dernière étape avant l’Indonésie. Nous ne sommes guère emballés par son apparence. Décidément, l’authentisme malais, tel que nous l’avons connu dans l’est, a ici encore disparu.
Repas Vente de Durians
Penang, le jeudi 13 juillet.
Alors que nous nous promenons à travers les quartiers chinois et indiens, nous ne pouvons que confirmer un constat. Les chinois sont au cœur du dynamisme commercial. Présents en trop grand nombre, pas forcément agréables, ils fourmillent et nous sollicitent sans cesse. Le plaisir que nous avions à les rencontrer dans l’est se transforme ici en véritable dédain. Nous apprécions en revanche l’ambiance joyeuse du quartier indien. Leur indifférence générale nous amuse (pour l’instant). A noter toutefois. Nous y croisons beaucoup d’infirmes, avachis sur les trottoirs. Les indiens ont une apparence plus miséreuse que n’importe quel autre peuple. Nous commençons à redouter un voyage dans leur pays d’origine.
Marché sur Penang
Note : cuisine vapeur au dîner ce soir. Quand on constate le nombre de mets que nous avons pris, l’absence d’erreur sur l’adition, nous ne pouvons que confirmer que les chinois savent compter. Leurs homologues indiens, avec trois fois moins de plats, ne s’en tirent pas et privilégient des comptes ronds, dans une indifférence totale à l’égard de l’argent. Mieux vaut donc connaître les tarifs de nos consommations !!!
Penang, le vendredi 14 juillet.
Nous profitons de notre dernière journée en Malaisie pour effectuer quelques formalités administratives. La Malaisie nous plait, c’est indéniable, mais commençons à ressentir quelques excitations à l’égard d’un manque de courtoisie qu’il s’agisse des automobilistes, des piétons pressés,… Enfin, ceci ne viendra pas contrarier notre vision enthousiaste de ce pays.
Rue sur Penang
Cet après-midi, nous nous rendons dans un des plus grands temples chinois d’Asie du Sud Est : Kek Lok Si Temple. Il occupe en superficie tout un versant de colline, dominant au loin la ville de Georgetown. Nous n’avions jamais vu une telle architecture se distinguant des temples thaïlandais et laotiens.
En guise de conclusion

Nous vivons une sensation identique à celle que nous avions déjà vécue en quittant le Laos – c’est là une sensation pour le moins rassurante. Nous craignions en effet à ce moment, de ne plus ressentir un tel dépaysement. Pourtant, si la Malaisie est radicalement différente de par sa population, ses religions, sa situation géographique, son histoire, son développement économique, nous manifestons un sentiment semblable et regrettons presque déjà de la quitter. Si on en croit, de plus, des bruits émis, et à coups sûrs justifiés, concernant l’ingratitude comportementale des indonésiens qui cherchent systématiquement à pratiquer des tarifs différents pour les touristes, à rompre par là même le moindre échange culturel en plaçant une barrière financière, nous pourrions presque déjà regretter l’intelligence d’une population malaise, fière de ses traditions, de son histoire.