Là où le calme domine...
Phnom Penh, le jeudi 6 avril.
Une journée de transport !
La capitale cambodgienne ne revêt pas de caractère international, ce qui n’est pas pour me déplaire, et la rallier nous oblige à passer par Bangkok.
Je ne sais ce qui attend ma femme, là bas, qui retrouvera un peu de ses origines.
Ce que je sais, c’est qu’alors que nous sommes en transit à Bangkok, je suis ravi d’être servi par deux vendeuses me souriant, me couvrant de remerciements, pour empaqueter quelques malheureux bouquins. C’est peut-être un signe d’inefficacité au sens commercial, mais au moins, ici, on se sent exister, on sent que le client est important. Leur sourire est le mien et je sais qu’il m’habitera désormais.
Une des multiples pagodes de la capitale Un pays dominé par la spiritualité
Depuis le survol de la capitale, puis dans la soirée sur Phnom Penh, je suis charmé de voir les multiples pagodes.
Moi qui avais imaginé que Pol Pot et conséquemment le traumatisme que son régime a engendré les avait détruites à jamais ! Bref, j’ai presque déjà envie de toutes les visiter.
Mais pour l’heure, il est davantage question de rendre une visite à quelques membres de la famille de mon amie. Tonton Darith revêt sa casquette de guide pour l’occasion…
Phnom Penh, le vendredi 7 avril.
Un peu de culture… Il faut dire qu’après Hong-Kong, nous sommes plutôt désireux de pouvoir mener quelques activités culturelles. Ce jour, nous partons donc pour la visite des deux sites incontournables de la capitale, le Palais Royal et le Musée National.
Bouddha Bouddhas Musée national Palais Royal Palais Royal
Le premier se présente comme une véritable petite cité. Nombre de bâtiments à usages divers témoignent au travers de leur architecture de l’ouverture du Cambodge sur les cultures étrangères. On retrouve par exemple dans le palais quelques structures en métal, témoins d’échanges commerciaux avec quelques nations européennes, il y a déja quelques siècles. Ici, l’espace a été préservé et les édifices sont plus ou moins isolés. Le visiteur peut ainsi les approcher en mesurant leur importance. Stupas – ils semblent avoir traverser les siècles sans bouger -, pagodes – la pagode d’argent est stupéfiante -, bibliothèques, bureaux, pavillons et palais se succèdent les uns aux autres.
Une balade fort agréable qui se finalise par l’appréhension de quelques activités culturelles typiques du Cambodge telles que musiques traditionnelles, tissage de la soie,… Le Palais Royal est une belle entrée en matière dans le pays.
Le second renferme une collection de statues khmères datant de la période d’Angkor et provenant du site du même nom. Comme à mes habitudes, je suis plus épaté par l’architecture du bâtiment lui-même que par son contenu. Il est vrai que j’aurais préféré observer ces objets sur le site même. Faute de m’épater outre mesure, je me satisfait à l’idée qu’au moins dans ces lieux, ces pièces uniques sont protégées des pilleurs. La visite se termine vite pour moi et je préfère logiquement m’attarder dans les jardins.
Terrasse Bâtiment Saison des pluies ?
Si nous comptions nous rendre au camp S21 dans la soirée, c’était sans prévoir que la saison des pluies allait sévir avec un peu d’avance. Au moins, ça aura le mérite de nous rafraichir et de nous faire un peu oublié les méfaits de cette haute température que nous subissons depuis notre arrivée. Rafraichir, disais-je ! Le mot est faible. Le ciel nous tombe littéralement sur la tête et nous finissons par dîner dans le restaurant qui nous fait face. Je croie que les cambodgiens eux-même n’avaient pas prévu un tel déluge. Les voitures circulent maintenant au ralenti et on s’amuse à observer les nombreux motocyclistes tenter tant bien que mal de prendre la route, partageant quelques fous rires avec leurs passagers.
Phnom Penh, le samedi 8 avril 2006.
Me voilà intégré à ce que Darith appelle son « extended family ». Ici, tout le monde est le cousin et la cousine d’un autre. On ne compte plus les électrons libres qui s’ajoutent au corps familial au gré des rencontres et des mariages. Je savoure un déjeuner familial traditionnel dans une vieille demeure qui a traversé les âges et je crois comprendre une des raisons pour lesquelles ce type de maison est surélevée. On est, au dessous, préservé de la chaleur, d’une part parce que le soleil ne nous atteint pas, d’autre part parce que la structure en bois semble absorber l’humidité ambiante. Bref, en ces lieux, je me sens davantage accablé par la chaleur des gazinières et de l’effet des piments que par celle du soleil.
Darith Extended family Extended family
Quand au corps familial, je l’admire ! Il a traversé les temps, aussi difficiles soient-ils, et semble plus uni que jamais. Quatre générations partagent le déjeuner. Je me demande ce que celui-ci aurait été si la famille avait été au complet et si quelques uns de ses membres n’avaient pas disparus durant les quatre années pendant lesquelles les Khmers Rouges ont sévi… Mieux vaut ne pas trop penser à ces années de malheur, même si je crains malgré tout que ce régime destructeur même révolu hante mes pensées et visites à chaque instant. Profitons pour l’instant pleinement du présent et de cet accueil chaleureux qui nous réservé. Il n’était pas question que quiconque rate Kaun Monyrra, pour sa première visite au pays. Les repas de famille sont peut être légion au Cambodge, mais aujourd’hui, la famille semble s’être agrandie ! Et Darith n’a pas oublié semble-t-il de prévenir tout le monde.
Quand à Phnom Penh, elle propose de nombreuses surprises. C’est la première fois que je n’avais pas vu une carte du Lonely Planet si peu pourvue. Dans les faits, seuls les monuments les plus connus sont répertoriés. Mais à Phnom Penh, on ne compte plus les Vat qui, au croisement d’une rue, détournent le regard. Le nombre de bonzes dans les rues sont peut-être le témoin d’une culture et d’une éducation renaissantes. On s’amuse ici à voir un bonze pendre des photos du palais royal, un autre négocier l’achat d’un téléphone potable, un autre traversant la rue à toute allure à l’arrière d’une moto-taxi.
Je retrouve dans la capitale les marchés asiatiques que j’adore où tous les produits imaginables – et même inimaginables – s’exposent. Les négociations peuvent débuter ! Le sourire est toujours de rigueur.
Il y a six ans, j’avais déjà perçu une gentillesse chez les Cambodgiens. Les quelques échanges me le confirment. Les quelques relations commerciales en témoignent. Ici, par exemple, les communications s’entretiennent que l’acte d’achat soit conclu ou non. Le prix n’est pas le seul artifice qui pourrait nous faire revenir. Et je sens ici que je n’aurais pas de difficulté à me faire des amis.
Phnom Penh, le dimanche 9 avril 2006.
Dur !
La journée avait pourtant débutée allègrement. En digne itinérant, nous avons filé dans le nord, au gré des quelques attractions, bâtiments coloniaux, vat, marchés,… Bref, nous étions joyeux, accablés par la chaleur, mais joyeux.
Prières Prières Prières Prières
Dans l’après-midi, la visite du camp S21 nous laisse bouche bée. Cette ancienne école a servi aux troupes de Pol Pot pour exterminer un nombre conséquent d’espions et traitres de la Révolution. Y ont été « livrées » des familles entières sur de simples soupçons sans fondement. Dans ce lieu, les nombreux touristes font grises mines. Le silence est de rigueur. Chacun déambule de salles de classe en salles de classe en découvrant à chaque fois l’Horreur… Quelques lignes s’ajoutent aux journaux, livres d’or – sous réserve qu’on puisse les nommer en tant que tel – et cahiers, tous souhaitant que ce témoignage serve au moins à ce que de telles atrocités ne se reproduisent pas. Le mot d’une dénommée Isabelle m’interpelle. Elle regrette que des actes de torture continuent et puissent même parfois être légitimés, à l’image récente des événements en Irak. Le Président G.W.B., maître en puissance, ne devrait-il pas venir faire un petit tour dans ce musée ? Je ne vais pas légiférer là-dessus, mieux vaut plonger dans un élan de compassion que de se présenter vindicatif, à l’image des Cambodgiens eux-mêmes qui n’ont puni aucun des actes des Khmers Rouges.
Chambre de torture du camp S21 Camp S21
Disons que ce musée me pousse à rendre hommage à ce peuple cambodgien.
Quand on pense que chaque personne que nous croisons a très certainement laissé un être cher, soit parce qu’il a été dénoncé et / ou tué par un confrère, soit parce qu’il a été déporté et dans le meilleur des cas exilé ou réfugié…. On comprend alors plus facilement pourquoi les Cambodgiens nourrissent une volonté manifeste à se reconstituer une famille et à défendre cette unité familiale.
Je suis maintenant plus qu’admiratif face à leur sourire, face à leur gentillesse !