La traversée de Sumatra de Medan à Padang, en traversant Bukhit Lawang et son centre de réhabilitation des orangs-outangs, Berastagi et son marchés aux fruits haut en couleur, Ketambe et sa jungle enivrante et rassurante, Toba, Bukittinggi,…

Personnellement, la visite de ce pays nous a remplit de sentiments partagés. Nous ne manifestions aucune tristesse à le quitter. Pourtant, nous ne regrettions pas davantage de l’avoir visité. Il est incontestablement le plus beau que nous ayons visité dans notre voyage que ce soit pour la beauté de ses volcans toujours en activité, pour la richesse de ses terres et l’exploit humain à les cultiver, pour l’existence d’imposants sites religieux, pour la conservation et le respect de ses traditions. Aussi, il faut bien le reconnaître, les indonésiens sont des artistes nés. Chaque région témoigne de cette vérité et offre ainsi un attrait supplémentaire, attrait qui d’ailleurs peut justifier à lui seul la visite régionale tant l’art exposé est original et authentique.

Si nous ne manifestions aucune tristesse, c’est sûrement grâce à cette population racoleuse qui fait surface. Les causes : probablement sa pauvreté, l’incompétence du gouvernement en cet instant de crise (l’Indonésie était en crise depuis quatre ans lorsque nous y sommes passés), le comportement des vacanciers consistant à exposer ses dollars sans réaliser l’écart ainsi creusé. Si au fond nous comprenions cette population marginale et l’excusions, nous étions lassés de ses agressions multiples et prenions plaisir à retrouver une Thaïlande, soit superficielle, mais au peuple attentif.


Medan, le samedi 15 juillet.


Quatre heures devaient être nécessaires pour rejoindre Medan en bateau. En fait, ce seront dix heures que nous passeront dans les transports. Une petite pensée pour les vingt et une heures de bus que nous avions effectuées au Laos. Ici encore, le tout, c’est de ne pas perdre son calme, de décontracter ses nerfs. Nous arrivons à Medan dans la soirée par bus.

Sitôt sortis du bus, nous sommes assaillis. Ce n’est pas là un manque d’habitude. Le fait d’être sollicités de toute part ne nous perturbe pas. Ce qui nous dérange, ici, c’est que c’est que ces agresseurs ne nous lâchent pas. Lorsque nous cherchons à les semer, ils nous rattrapent, nous dépassent, prennent les devants, et cherchent à nous guider, à nous prendre en main. Garder son calme va, dans le pays, être une tâche difficile.

Medan s’avère loin d’être extraordinaire. C’est là une entrée en matière décevante. L’Indonésie promet, que ce soit par son apparence négligée, pour sa nourriture peu attrayante, peu variée, pour sa population peu agréable (impression continuelle qu’ils se foutent de nous).


Bukhit Lawang, le dimanche 16 juillet.


Nous cherchons aujourd’hui à rejoindre Bukhit Lawang. Quelques informations nous seraient du plus grand secours. Aussi, quand les propriétaires de notre guest-house apprennent notre volonté, ils n’ont que pour unique objectif de nous vendre des tickets de bus pour touristes, très chers. Les esquivant, tant bien que mal, nous parvenons à obtenir de précieux renseignements afin d’atteindre le terminal des bus publics. Sur place, un autre personnage entre en scène, nous prend en charge, s’occupe de nous réserver des places dans le bus. Là, nous apprenons qu’il détient une guest-house sur Bukhit Lawang. Le soir, apprenant que nous souhaitons faire un trek, il cherche à tout prix à nous en vendre un.

Toute la gentillesse que nous avons manifestée depuis notre arrivée en Asie est en passe de disparaître. Ils en veulent trop, ils ne devront rien attendre de nous. Nous aurions probablement déjà perdu patience si la ville de Bukhit Lawang n’était pas charmante. En bordure de la jungle, un simple cours d’eau nous en sépare. De l’autre côté, quelques singes nous montrent leur nez.


Bukhit Lawang, le dimanche 17 juillet.


Dans un mois vingt et un ans !!!

Bukhit Lawang s’est fait connaître pour son centre de réhabilitation des orangs-outangs (hommes de l’arbre). Nous assistons ce matin aux repas que quelques guides leur fournissent : lait de coco et bananes essentiellement. Donnés en petite quantité, ces repas mènent les herbivores à une vie plus sauvage. A noter, la jungle de Gunang Leuser où nous nous trouvons et celle de Bornéo sont les deux seuls lieux où nous pouvons observer ces animaux. C’est avec des mouvements très lents qu’ils se déplacent calmement et habilement de branches en branches. Le plus surprenant, c’est l’apparente similitude entre nos gestes et ceux que nous avons coutume d’employer. Quoi de plus naturel, par exemple, lorsque l’on trouve une cannette de coca vide que de la remplir dans la rivière et de la boire tranquillement perché dans son arbre.

Nous sommes ici dans un havre de paix, oubliant quelque peu les désagréments que nous avons subis ces derniers jours. A l’image du Laos, l’Indonésie semble disposer de sites naturels remarquables.

Alors que nous nous décontractons les yeux face au mur d’arbres de la jungle, deux occidentales installées en Indonésie viennent à notre rencontre. Comme beaucoup, elles se sont converties à l’Islam, mariées à un indonésien et ont succombé au charme de ce pays. Ayant fondé une famille, elles vivent là, dans leur maison respective, construite il y a peu, sans aucune charge à payer. Le seul hic à ce genre de situation – nous assistons à quelques commérages – c’est que le partenaire indonésien reste propriétaire du moindre investissement qui y a été effectué. Aussi, quand il ne s’agit pas d’une relation maritale mais d’une relation d’affaire, il a la possibilité de tout vendre sans rien devoir. Le gouvernement a offert à son peuple un moyen de conserver ses terres.


Berastagi, le mardi 18 juillet.


Nous passons la quasi-majeure partie de la journée dans les transports. Medan est un passage obligatoire pour rejoindre Berastagi. A nouveau, nous sommes confrontés à la voracité de la population.

Berastagi est une ville de montagne. Aussi, la fraîcheur de l’altitude nous fait le plus grand bien. La présence, à proximité, de deux volcans a contribué à l’enrichissement des terres aujourd’hui très fertiles ; tomates, fruits de la passion sont là pour nous ravir. Nous élisons domicile dans une guest-house charmante disposant de livres d’or très intéressants. Il s’agit du recueil de quelques routards, de leurs expériences dans les environs, qu’elles soient bonnes ou mauvaises. Le racolage, le harcèlement (on l’appelle comme on veut) auquel nous avons eu affaire semble être propre à Medan et à Bukhit Lawang essentiellement. C’est une joie de l’apprendre et espérons à l’avenir pouvoir en vérifier l’exactitude.

Note : les indonésiens ne parlent pas systématiquement l’anglais comme les malais. Toutefois, il n’est pas rare de les entendre dire quelques mots en français. C’est là le signe d’une présence francophone à l’étranger non négligeable. Nous en perdons même nos réflexes anglophones.

Note : le football est l’un des meilleurs ambassadeurs. La France était déjà championne du monde, elle vient de conquérir le titre européen. Nous sommes parfois terriblement appréciés pour cela… Nous pouvons aussi remercier Zidane d’être musulman…


Berastagi, le mercredi 19 juillet.


Visite de deux villages traditionnels Bataks reconnaissables à l’architecture des maisons. Il s’agit de structure imposante sur pilotis pouvant accueillir jusqu’a huit familles. Le toit s’étale aux trois quarts de la hauteur, se compose de chaume et, arrondi sur son ensemble, se termine en pointe sur chacune de ses extrémités. Les maisons de Cingkes, le premier village que nous visitons, sont datées de 1937. L’âge a suffisamment travaillé le bois pour que certaines menacent de s’écrouler. La mousse recouvre les toits, apportant un charme certain. Nous naviguons entre les allées de sable, ayant l’impression gênante de percer l’intimité des habitants à jour. Ici, nous sommes plus que jamais des étrangers. Des enfants nous suivent, se cachent, nous voient comme des curiosités ambulantes.

Note : le climat est très frais et supportons facilement notre petite laine. Nous avions oublié le plaisir de dormir sous une couverture. Un désagrément toutefois, qui a son importance : la douche froide est difficilement acceptable. Ce n’est pas là le simple fait de la température de l’eau (encore que), c’est surtout la manière de se doucher que nous n’avions pas expérimentée. Le mandi est un bac rempli d’eau qui reste dans le froid et qui contribue donc à son refroidissement. Il sert aussi bien au lavage des parties intimes lorsqu’on a fait ses besoins, qu’à se doucher tout simplement, doucher n’étant pas le terme adéquat puisqu’en guise de pommeau, nous utilisons un seau.


Berastagi, le jeudi 20 juillet.


Nous savions que Berastagi était réputée pour la variété de ses fruits et légumes. Nous vérifions l’exactitude de ces propos, ce matin, au marché principal.

Munis de provisions, nous partons pour l’ascension du volcan Sibayak (2094 mètres) à trois heures de marche de la ville. La population locale n’a pas cessé de nous mettre en garde contre les dangers d’une telle promenade, qu’il s’agisse des voleurs, ou des aventuriers independants qui y ont laissé leur vie et dont on trouve la liste dans la plupart des offices. Dans tous les cas, on cherche à nous vendre les services d’un guide. Ayant déjà subi un harcèlement semblable depuis notre arrivée dans le pays, nous ne croyons qu’à moitie à de tels discours et pourvus de renseignements d’une tierce personne, nous choisissons d’arpenter seuls la montée.

Trois heures nous auront été nécessaires pour atteindre le sommet par un chemin aisé à prendre – nous ne voyons vraiment pas là l’utilité d’un guide. Le volcan est fascinant, peut-être parce que c’est là le premier que nous voyons. Les émanations de souffre colorent la roche volcanique d’un jaune pâle. Nous sommes plongés dans une atmosphère brumeuse. Le cratère semble complétement sec, pourtant, le volcan est bien en activité.

Après avoir évacués le stress occasionné par les rumeurs émises, parfaitement détendus, nous prenons le chemin du retour. Ce dernier n’en n’est pas moins fort en émotion. Nous entendons au loin l’orage s’approcher et pressentons un environnement animalier s’exciter. Aussi, quelques singes de forte corpulence, sautant de branches en branches nous surprennent. Nous n’en sommes pas à nos premiers singes, mais ceux-ci sont sauvages et leurs réactions imprévisibles. Un guide aurait peut-être contribué à notre apaisement. Quoiqu’il en soit, nous continuons notre chemin, stressés, accélérant le pas. Au moindre bruit, nous relevons la tête imaginant d’autres animaux plus effrayants (tigres, orangs-outangs,…). Sortis de la jungle, telle est la vision que nous avons maintenant de cette forêt, nous ne pouvons qu’apprécier la pluie.

Note : l’Indonésie est un pays sale. Démunis de poubelle, c’est tout naturellement que sa population jette ses ordures où bon lui semble. Aussi, c’est un réel plaisir de voir ce matin les jeunes écoliers contribuer au ramassage des poubelles.


Kutacane, le vendredi 21 juillet.


L’Indonésie est le pays musulman le plus important au monde. Pourtant, nous ne pouvons le visualiser au premier abord. Les femmes sont majoritairement non voilées. Seul l’appel à la prière, quand on l’entend, atteste cette vérité. La présence d’églises témoigne d’une colonisation antérieure hollandaise et, fait surprenant, les Bataks, bien qu’ayant toujours résistés à l’Islam, se sont laissés aisément convertir au christianisme.

Aujourd’hui, nous partons plus au nord à Kutacane, dans la région d’Aceh. Cette ville constitue une porte d’entrée dans le parc de Gunang Leuser. Nous rejoindrons Kotambe, un poste avancé, point de départ pour quelques treks.

Dans le pays, il est plaisant de rester dans une ville mais dès qu’il s’agit de prendre les transports, c’est l’enfer. Entre une population qui ne sait vous parler sans essayer de vous extirper de l’argent et qui n’a pas la manière de le faire et des bus qui n’ont bien souvent pas la place de vous accueillir, il est difficile pour nous de se déplacer. Nous parvenons tout de même à prendre un bus à 16h. Retardés par une panne dans la montagne, nous arrivons à 23h à Kutacane et, aucune correspondance n’étant disponible, trouvons un logement dans une guest-house réservée à la police. Dans cette région, vendredi est jour férié. Aussi, la musique retentit fortement. L’atmosphère masculine est bien malsaine.

Bref ! Sale journée !!!


Ketambe, le samedi 22 juillet.


Nous pourrions chaque jour dire quelques mots sur la population de Sumatra Nord. Ce matin, à la recherche de renseignements, nous subissons encore les assauts d’une population exécrable. Nous en finissons maintenant à les repousser systématiquement, à rejeter le moindre contact. Seuls les travailleurs qui ont un poste fixe présentent une source d’information viable.

Enfin renseignés, nous partons pour Ketambe, plus précisément, pour une guest-house se situant à un kilomètre au nord du village. Quelle surprise d’entrevoir une guest-house d’aussi bel état en pleine jungle. Nous sommes ici au calme et, au delà d’une rivière que nous dominons, pouvons observer l’épaisse végétation dans laquelle nous nous enfoncerons pendant trois jours.

Une petite sieste s’impose en se laissant envoûter, bercer par les bruits maintenant habituels de la jungle. C’est peut-être ce qu’on appelle là l’appel à la forêt.


Ketambe, le dimanche 23 juillet.


Quatre mois que nous sommes partis !!!

Aujourd’hui, premier jour de trek. Ce dernier complémente bien celui que nous avons effectué en Malaisie. Appu, notre guide de Kuala Lipis, avait su nous renseigner à merveille sur la flore de la jungle. Pour l’heure, Mus, notre nouvel accompagnateur semble détenir l’art et la manière d’observer les animaux. Nous ne pensions d’ailleurs guère en voir autant. Macaques, Thomas Leaves, Orangs-outangs sont les principaux singes que nous voyons évoluer. Au loin, nous ne pouvons qu’entendre quelques gibbons et homgills (oiseau de forte corpulence dont le bruit qu’il engendre lors de son envol est stupéfiant) et conservons l’espoir d’en observer. Sur la route, nous ne manquons pas de traverser un champ de rafflesia, l’une des plus grandes fleurs du monde. Nous ne voyons que son bouton, de la taille d’un poing, son éclosion n’étant effective qu’une quinzaine de jours en août.

Nous souhaitions déjà à Bukhit Lawang opérer un trek. Nous avions vite laissé tomber cette idée et préféré exercer cette activité de Ketambe, souhaitant privilégier une vie plus sauvage. Nous manifestions néanmoins une petite appréhension liée à la peur de rencontrer quelques fauves. Aujourd’hui, tout nous paraît calme et moins effrayant. Les animaux ne semblent pas agressifs. Les rumeurs que nous avions entendu à Bukhit Lawang concernant cette agressivité animalière n’est ici pas justifiée. C’est sûrement le fait qu’ici personne ne les nourrit. Il n’y a donc aucune relation de dépendance homme-animale. Chacun est libre d’évoluer sans se gêner. Nous sommes ici à tour de rôle observateurs et observés.


Ketambe, le lundi 24 juillet.


La jungle doit ses caractéristiques au simple fait qu’elle ne subit que deux saisons (saison sèche – saison des pluies). Elle est en expansion continuelle.

Ce matin, nous nous enfonçons dans ses profondeurs. Nous en percevons tous les dangers et constatons que Mus n’est plus seulement un guide, un cuisinier. C’est maintenant la seule personne sur qui nous puissions compter.

Nous ne voyons ce matin aucun animal. Malgré une marche interminable, Mus ne comblera pas cette volonté. A la moindre pause, nous percevons au loin quelques nouveaux bruits : ours, poulets de la jungle. Aussitôt, nous repartons par le chemin que nous fraie Mus, bien déçu par cette quête inachevée.

En début d’après-midi, nous atteignons bien heureux un lieu de campement idyllique. Aux abords de la rivière, quelques sources chaudes, dont la fumée atteste la présence, nous permettent à la fois de se faire cuire des oeufs, et de prendre un bain en pleine nature.

Bonne et heureuse surprise ce soir ! Alors que nous dînons tranquillement, un orang-outang, de forte corpulence nous observe du haut de son arbre et déguste quelques fruits. Nous le suivons du regard jusqu’à ce que seuls quelques arbres mouvants témoignent de son passage. Quelques Thomas Leaves empruntent le chemin inverse peu de temps après. Leur poids et leur taille leur permettent d’adopter des déplacements plus rapides n’hésitant pas à sauter d’arbres en arbres. A leur côté, l’orang-outang fait figure de poids lourd, ses déplacements consistant à plier une branche pour en atteindre une autre.


Ketambe, le mardi 25 juillet.


La journée débute par une marche dans la rivière. De l’eau jusqu’aux cuisses, c’est le chemin le plus facile pour atteindre des chutes en amont. Le spectacle, une fois arrivés, ne manque pas de charme mais ne vaut pas le déplacement inhabituel que nous venons d’opérer.

De retour au lieu de campement, nous plions bagages et prenons le chemin du retour, sentier d’ailleurs plutôt aisé, travaillé par l’homme. Nous réalisons peut-être seulement maintenant la prouesse du guide à nous frayer le chemin tel qu’il l’a fait la journée précédente. Aucune voie n’est pour lui impraticable. Nous étions ainsi en pleine jungle, en avons ressenti toutes ses caractéristiques.

Trois heures à peine nous suffisent à rentrer à notre guest house. Finalement, nous n’avons jamais été bien loin, n’avons jamais été en danger. C’est même à ce propos surprenant. Nous avons vécu trois jours dans des situations très confortables, toujours à proximité d’une rivière, non loin de sources chaudes, les lieux de campement ne manquent pas. Les insectes que nous avons coutume de déplorer en ville sont ici absents. Pour ce qui est de la nourriture, notre guide s’avère être un cuisinier hors pair. Nous avons mangé sainement et regrettons d’ailleurs de ne pas avoir fait de pareil repas en ville où la nourriture est bien grasse et manque crucialement de goût. Munis en tout et pour tout d’une casserole, d’une poêle et d’un couteau, Mus a su nous concocter de vrais festins. C’est à en écœurer certains cuisiniers.

Bref, nous avons passé du bon temps et aurions facilement pu prolonger ce séjour.

Cette journée ne s’arrête pas là. Nous sommes maintenant invités chez notre guide à manger quelques fruits. Nous y sommes présentés à quelques membres de sa famille. Ils vivent très humblement dans une pauvreté certaine. La guest house que Mus est en train de construire ne nous conviendrait sûrement pas au premier abord, et pourtant, à en juger l’inconfortable situation dans laquelle ils vivent -deux cases minuscules sans meuble apparent leur servent respectivement de cuisine et de chambre pour sept personnes-, nous nous écœurons de réclamer tant de prestations. Maintenant attachés au personnage, nous regrettons de ne pas être venus loger dans ses lieux.

Et oui, ce soir, la pauvreté de cette famille mêlée à sa gentillesse et à toute l’attention dont elle a fait preuve à notre égard, nous a touché !


Berastagi, le mercredi 26 juillet.


Nouvelle journée de chiottes ! Nous voilà de retour a Kutachane, direction Berastagi. A chaque changement de transport c’est une galère. Mus est peut être la seule personne plaisante que nous rencontrerons en Indonésie. A voir d’ailleurs la gêne qu’il manifeste à notre égard en présence de « beaux parleurs » indonésiens, il n’y a aucun doute sur le fait que ces derniers nous insultent gaiement.

Nous avons déjà vécu une pareille journée. Ce ne sera sûrement pas la dernière.

Note : ce comportement méprisant que nous détestons ne concerne qu’une population en marge sans poste fixe (en grand nombre). Femmes et commerçants sont donc à exclure de cette situation. Encore heureux !


Berastagi, le jeudi 27 juillet.


Nous voulions aujourd’hui visiter les chutes d’eau d’Ipiso Piso. Un changement de programme va bouleverser cette volonté. Nous apprenons, en effet, que le bateau venant à Pulau We est en contrôle jusqu’au 05 août. Nous sommes donc contraint de renoncer à cette destination. Nous partirons donc demain pour le Lac Toba et verrons les chutes sur la route.

Un petit constat. Arrivés a nouveau à Berastagi hier, nous logeons dans la même guest house que la semaine précédente. Il est surprenant d’entrevoir autant de français dans ces lieux. Nous comprenons les raisons pour lesquelles la gérante connaît autant de vocabulaire francophone ! Ah le bon vieux guide du routard ! Il a comme d’habitude fait l’éloge de cette guest house (éloge justifiée mais exagérée) tout en niant l’existence de concurrence.


Toba, le vendredi 28 juillet.


Aujourd’hui, bus touristique jusqu’a Toba. C’est là une forte dépense, mais un confort sans précédent lié au fait que personne ne nous harcele. C’est la première fois que nous prenons plaisir à voyager dans ce pays. De plus, des arrêts fréquents dans des lieux d’intérêt touristique ravient notre curiosité.

Le village de Lingka, identique à Cingkes, plus accessible, nous offre la possibilité de visiter l’intérieur d’une maison batak. Le toit imposant sert de grenier. Dix familles se partagent cinq cuisines et vivent à même le sol. Peu d’ouvertures sur l’extérieur favorisent une certaine fraîcheur à défaut de luminosité. Du bois fumé évite la prolifération d’insectes. Bien qu’intéressés, nous nous demandons encore comment l’on peut vivre dans une telle bâtisse.

A la frontière du lac Toba, nous faisons halte aux chutes d’Ipiso Piso. Nous sommes là frappés, non pas la splendeur du site, mais par ses environs complètement incendiés il y a peu.

Nous arrivons en début de soirée sur le lac Toba. L’île de Samosir, de la taille de Singapour, née de l’affaissement du volcan jadis présent, parait verdoyante. Une multitude de guest house comblent ses rivages. Nous en choisissons une qu’aucun racoleur nous a indiqué. Le calme y règne en maître. La vue sur le lac est saisissante. Nous sommes ici sur un lieu de détente.


Toba, le samedi 29 juillet.


Nous gagnons la ville de Parapat, sur le « continent ». Le marché animé s’y trouvant approvisionne l’île de Samosir, du moins le village dans lequel nous logeons. Beaucoup de couleurs et de senteurs, autres que celles des minibus qui circulent alentour, effleurent nos sens.

Ce soir, une représentation de danse batak nous motive. Nous ne sommes guère enthousiasmés par les danses proprement dites mais émerveillés à l’écoute des chants et musiques. Il faut que nous trouvions pareille chanson !


Toba, le lundi 31 juillet.


Ces deux derniers jours sont voués à l’exploration de l’île. C’est étonnant de constater l’authenticité qu’elle manifeste. Seuls quelques magasins concentrés dans un village limitrophe, témoignent d’un tourisme de masse. Enfin, c’est là une première impression car si ce tourisme de masse a existé, il est invisible à ce jour et c’est avec atrocité que les lois de la concurrence s’exercent. Chaque magasin propose les mêmes produits et misérablement aucun ne se vend suffisamment cher pour permettre à ces gens de vivre décemment. Nous sommes ainsi suppliés d’acheter.

Une ballade à moto nous permet de parcourir la quasi majorité des routes de la moitié nord de l’île. Chaque village que nous traversons ne semble guère avoir été touché par quelques mouvements touristiques qu’ils soient et ne semble pas plus vouloir en promouvoir. Les traditions paraissent respectées, les cultures conservées, les modes de vie inchangés. Nous sommes sous le charme.


Bukittinggi, le mardi 1er août.


Journée de transport. Pendant dix heures nous traversons de magnifiques paysages et atteignons Bukittinggi dans la soirée.

Ces paysages traversés, nous ne manqueront pas d’en voir d’autres et prendrons sûrement le temps un jour de s’y arrêter. Des rizières verdoyantes, en terrasse quand le relief l’exige, percent une jungle dense. Ici, et là, quelques villages archaïques pointent leur nez, font preuve d’un calme exemplaire.

Les rizières, d’une régularité impeccable, s’apparentent à du velours et nous donnent systématiquement l’envie d’y plonger. Pourtant, quand on voit les femmes y travailler, dont seuls le corps et la tête sont visibles, nos envies sont vites remises en question.

Note : dans le pays, les femmes sont très sollicitées dans le travail. Nous les trouvons dans les cuisines, dans les champs, sur les routes à transporter des sacs d’un poids déraisonnable et dont leur tête sert de support. Pour ce qui est des hommes, nous nous questionnons sur leur activité.


Bukittinggi, le mercredi 2 août.


Aujourd’hui, visite de la vallée d’Harau, à 30 kilomètres au nord de Bukittinggi. C’est là un endroit merveilleux qui nous offre l’opportunité d’observer des maisons traditionnelles Minangkabau. Une description écrite ne les distinguerai guère des maisons Batak Karo. Une petite différence concerne les toits, plus arrondis, présentant plusieurs pointes (pas seulement à leur extrémité).

La vallée, constituée de villages, de rizières, de rivières est encerclée de spectaculaires falaises abruptes d’une centaine de mètres. En quelque endroit, des chutes d’eau contribuent a la verdoyance des lieux.

Le temps dans le pays, bien qu’en pleine saison sèche, reste incertain. Aussi, aujourd’hui encore, nous nous faisons piéger par quelques intempéries. Nous retrouvons un climat de début de saison des pluies et nous retrouvons vite en présence d’une averse insistante. Cherchant à se protéger tant bien que mal. nous sommes invités à nous abriter dans une maison minangkabau que nous avions d’ailleurs prise en photo sur le chemin de l’aller, charmés par son architecture. A l’inverse des maison batak-karo, elles possèdent des ouvertures sur l’extérieur, une seule famille semble y résider. Ces bâtisses semblent donc plus adaptées à notre époque. Notre famille d’accueil nous prie de nous assoir et, démunis de l’anglais, ne peut motiver une conversation. Quelques mots, que nous détenons de notre guide, servent à débuter quelques échanges verbaux mais très vite quelques sourires viennent en remplacement. Nous attendons la fin de la pluie, admirant cette famille toute réunie autour de nous, d’avoir la volonté de nous offrir un abri et de nous assister dans notre attente.

La route reprise, nous croisons quelques personnes fort sympathiques et commençons à concevoir que l’on puisse tomber amoureux de ce pays. Il y a quelques années de cela, il semble qu’on pouvait généraliser ce comportement accueillant, aimable, ininteressé, indifférent à l’ensemble de la population indonésienne. Il y a presque de quoi regretter cette venue tardive !


Bukittinggi, le jeudi 3 août.


Visite du canyon de Sianok à l’orée de la ville. La traversée mène au village de Koto Gadang réputé pour son orfèvrerie. On peut y observer le travail de l’argent.

De retour à l’entrée du canyon, nous restons stupéfaits face à la folie japonaise de 39-45. Un rude esclavagisme leur a permis de creuser plusieurs dizaines de tunnels à des fins protectrices.


Maninjau, le vendredi 4 août.


A quelques kilomètres de Bukinttinggi, nous rejoignons le lac Maninjau. Nous constatons, étonnés, que ce lieu n’a pas encore été atteint par un tourisme de masse. C’est pourtant l’un des plus beaux lacs de cratères de Sumatra.


Padang, le samedi 5 août.


Le fait est que nos places pour Jakarta sont déjà en notre possession et que nous devons donc quitter Sumatra dès demain. C’est bien dommage, le lac Maninjau aurait mérité qu’on s’y attarde un peu ne serait-ce pour la beauté du site. Nous commençons à peine à évacuer notre rancune pour la population de Sumatra. Le comportement abusif dont nous avons déjà fait « l’éloge » ne concerne que la partie nord. Aussi, nous commençons à apprécier la serviabilité indonésienne. Ils n’ont toujours pas le tact nécessaire à la vente mais se présentent désormais attachants. Quoi qu’il en soit nous quittons le lac Maninjau !

Arrivés à Padang dans la soirée, nous devons encore oublier certains préjugés que nous avions généralisés à l’ensemble du peuple indonésien. Le seul conseil que nous pourrions fournir à tout autre voyageur, c’est d’éviter les circuits courants de Sumatra nord et de rejoindre au plus vite Bukittinggi et sa région où des activités similaires sont identiques dans une atmosphère bien plus agréable.

Padang a toutes les qualités d’une grande ville : la diversité de ses restaurants (on y retrouve même du roti canai !), une population importante en nombre, un marché haut en couleur,… Nous regrettons là encore de ne rester dans la ville qu’une soirée ! Quand on sait en plus que que quelques plages sont considérées parmi les plus belles et que des îles encore plus au moins sauvages se profilent à l’horizon, qu’un parc national s’ouvre à peine au tourisme un peu plus au sud, nous pourrions presque comprendre que certains utilisent leur visa à la seule exploration de Sumatra.


Sur la route, le dimanche 6 août 2000.


Deux jours de ferry nous attendent pour rejoindre Jakarta…

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